âge, date et lieu de naissance : au rythme des feuilles qui craquent sous le pas lourd, au rythme de la neige qui tombe, au rythme des saisons, tu avances, surmontes l’insurmontable. Soixante-seize saisons au compteur, dix-neuf années à compter les fleurs fanées, sur ton caillou de l’autre bout du monde, puis à Maggie Valley. origines et nationalité : tu es française mais tu n’as jamais connu la France, du moins pas le continent. Ton caillou, ton bout du monde, ton foyer, c’est l’Île de la Réunion. Île que tes parents rencontrèrent deux ans avant ta naissance, comme on rencontre un coup de foudre. La séparation se fit à l’aube de tes douze ans, quand le travail de ta mère fut délocaliser en Amérique. Maggie Valley, la nouvelle aventure en famille, qui te laisse maintenant un goût mélancolique de vanille et de cocotiers. job, études : t’es perdue, Louise. Perdue dans des projets que tu ne faisais plus, parce que la vie, tu vois, tu croyais qu’elle allait s’arrêter plus tôt que prévu. Et même si t’as un regain d’oxygène depuis quelques mois, même si t’y crois, tu te projètes pas. Pas encore. Alors tu danses, tu virevoltes, t'acceptes jamais de gros contrats. Des fois t'as du travail, des fois t'en as pas. Pour le moment t’es comme en pause, dans l’attente de quelque chose ou de rien du tout, tu sais plus trop.  statut civil : célibataire. Là aussi t’as jamais connu l’amour, parce que tu t’y es jamais autorisée. Parce que t’as jamais voulu qu’on s’attache trop à toi, pour pas que t’aies encore plus de mal à partir. T’as déjà connu deux hommes, sans intérêt, supporté la maladresse de leurs mains sur ton corps et la lourdeur de leurs lèvres sur les tiennes, parce qu’il fallait que tu saches, il fallait que tu le fasses. statut familial : une mère, un père, une fille unique. Tu voulais un petit frère quand t’étais gamine, tu le mettais sur tes listes au Père Noël. Tes parents se sont séparés plusieurs fois pendant ta maladie, jamais plus de quelques semaines, et jamais définitivement. C’est une histoire comme ça que tu voudrais vivre, toi, fragile mais inébranlable face à l’adversité. endroit préféré : le cirque de mafate, sur ton gros caillou. Il est beau le cirque, son paysage montagneux à perte de vue. Il n’était pas rare que tu y ailles, gamine, crapahutant parfois plusieurs heures pour trouver les meilleurs points de vue, ceux qui te coupaient le souffle, te faisaient briller tes yeux d’enfants. Mais il est loin maintenant, le cirque. Ici, il y a deux endroits qui se font concurrence. La salle de danse du bout de la rue, et sa chambre à lui, ton meilleur ami, son univers. Ton univers. plus belle réussite : tu ne sais pas. Tu te dis que qu’il va falloir attendre encore quelques temps pour que tu sois certaine d’avoir vaincu, d’avoir gagné, d’avoir survécu. pire échec : le pire de tes échecs est peut-être à venir. Incertaine, tu croises les doigts chaque jour, prie des Dieux en lesquels tu ne crois pas. animaux de compagnie : un vieux chat roux, plus très beau, Mister Jones. Il a un sale caractère, n'aime pas particulièrement être solliciter lorsqu'il mange, mais depuis plus de dix ans, tu t'es habituée à sa présence, tu t'es attachée à ses poils désagréables à caresser.  chanson du moment : la groupie du pianiste - Michel Berger. passions, hobbies : tu danses, incandescente, animale. C’est un antidote aux jours trop graves, un pansement au coeur quand tu veux le sentir battre plus fort. gourmandises favorites : le chocolat noir aux amandes effilées et aux oranges. La seule chose que tu arrivais à avaler quand la chimiothérapie se faisait insupportable. groupe : lake. traits de caractère : douce - impatiente - incandescente - mélancolique - révoltée - joueuse - charismatique - indécise. crédits : danseuse soûle (tumblr).

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adventure of a lifetime
01. Leucémie aiguë lymphoblastique. Le couperet tombe, tu es sonnée mais tu ne saisis pas trop le sens de ces mots. C’est le hoquet de maman qui t’affole, le silence de papa qui t’inquiète. Cinquante-neuf pour cent de rémissions, il ajoute. Cette fois t’as compris. T’as compris que t’as une chance sur deux de crever. 02. La tête contre la cuvette des toilettes, t’en peux plus. Tu suffoques dans des odeurs immondes, rends des repas que t’as pas été capable de prendre. Alors tu rends quoi ? Tu sais pas, t’es vidée, complètement, et pourtant ça vient encore, c’est comme ta vie que tu vomis, ton énergie qui te sort par la bouche, t’as tes entrailles au bord des lèvres. 03. Tu passes ta main dans tes cheveux, ou plutôt dans ceux qui te restent. Ça va vite, trop vite pour que tu comprennes, trop vite pour que tu t’y fasses. À quinze ans tu apprends que t’es malade. Un an plus tard tu perds ta féminité. Tu estimes l’âge de ta mort à dix-sept ans ans. Dix-huit, si t’as de la chance. Ta mère pose sa main sur ton épaule, tu la vois dans le miroir, avec toutes ses rides au bord des yeux, nouvelles de cette année. Cette main, c’est le courage qui te manque, les dernières forces nécessaires pour lever la tondeuse vers ton crâne disparate. 04. T’en peux plus de ses baisers appuyés, de ses caresses insistantes et de ses déclarations mielleuses. Ta gueule ! Tu crèves d’envie de lui dire. Tu crèves. Tout court. C’est pour ça que t’as tant envie qu’il la boucle, parce que du miel t’en veux pas, de la douceur non plus d’ailleurs, pas plus que ses sentiments dégueulasses. Tu veux juste connaître ça, au moins une fois avant de mourir. Peut-être deux, si t’es chanceuse. Chanceuse. Toi. Tu rigoles, mauvais timing, il a le caleçon sur les chevilles. 05. Tu vois l’immensité du monde sous tes pieds, le bleu de la mer qui brille au loin, et les arbres par centaines. Au bord du gouffre dans cet avion ridicule, un parachute fixé au professionnel qui te colle, tu regardes le vide, immobile. Tu te sens si petite, plus que jamais tu te sens passagère. Certains font un long voyage, ont un rôle principal, toi tu sens figurante, présente pour une brève apparition. Alors tu veux vivre ce qu’il te reste plus vivante que quiconque, plus intensément que les autres. C’est comme si tu devais faire un marathon en cinq kilomètres. 06. Il est drôle ce garçon, avec ses yeux qui te sondent comme s’il pouvait voir les tréfonds de ton âme. Tu sais pas pourquoi il te regarde comme ça en même temps qu’il parle. Tu sais pas pourquoi tu sembles être son ancrage parmi ces autres autour, qui semblent tous chercher de la lumière dans leur obscurité. C’est comme s’il arrivait à te faire ressentir des choses, le genre de choses qui l’habitent et qui lui donnent envie de mourir. Il est drôle, ce garçon, qui voudrait mourir quand toi tu voudrais vivre. Quand il a terminé de parler, tu lui dis, parce que finalement c’est quand même amusant. Alors il te sourit, te sonde avec un regard sombre, et tu te dis que c’est le début de quelque chose, sans trop savoir de quoi. 07. Rémission. Ce mot, tu l’as rêvé, tu l’as pleuré. Alors quand tu l’entends, comme tout droit sortie d’un happy end d’une série B, t’y crois pas, t’y crois plus. Ça te submerge tellement que tu pleures. Mais pas de bonheur, non, tu pleures parce que t’as peur. Peur de te faire un faux espoir. Peur de t’autoriser enfin à vivre. Peur de t’autoriser à aimer, à t’attacher. Et peur surtout qu’une fois que des projets t’en auras plein la tête et des personnes plein le coeur, le twist final ne soit pas en ta faveur. 08. Tu le supplies, te mets à genou dans son salon, les mains jointes au dessus de ta tête. Juste un morceau, quelques minutes, juste pour cette fois. Il lève ses yeux océans au ciel, te dit que c’est toujours la même chose avec toi, alors tu lui dis que c’est parce qu’avec lui c’est chaque fois plus beau. Vous jouez à ça si souvent que tu connais l’issue par coeur, il va capituler. C’est la dernière fois, il te dit en prenant place en face du vieux piano. Il tapote la place à côté de lui vigoureusement, c’est le signal. Tu t'assois et attends que les notes prennent place dans ton esprit. Jax, il a la magie au bout des doigts. 09. Tes mains autour de la tasse brûlante de ton chocolat chaud, parce que le café t’as jamais pu t’y faire, tu les regardes rire en face de toi. Jax, Lilah. Tes bouées de sauvetage alors que tu n’as jamais été aussi forte physiquement et faible psychologiquement. Quand tu te pensais condamné, les dés avaient déjà été jetés, t’attendais que la partie se termine, résignée. Mais maintenant que la partie est relancée, t’as peur, tous les jours, peur de rechuter, de te réveiller un jour, comme une grippe au corps, comme il y a trois ans. Alors t’y penses le moins possible, à la place tu penses à eux. Jax et Lilah, ton univers, ton radeau dans la tempête qui se joue dans ta tête. 10. T’écoutes la musique qui se lance, ouvres les yeux, et tu te lances toi aussi. Ton corps se meuve au rythme des notes émanant des enceintes, et c’est comme une bataille qui se joue entre lui, qui t’a fait ployer le genou ces trois dernières années, et toi qui cherche à le contrôler comme tu contrôlerais un instrument de musique. La danse, c’est ton occupation principale maintenant que tu as arrêté les cours il y a deux ans, pensant que ça te faisait perdre un temps précieux, toi à qui il en restait tellement peu. La danse, c’est l’abandon de ton corps, l’abandon de ton âme. C’est les nerfs qui se relâchent et tes tornades qui s’expriment.