Le coeur qui bat trop vite, les idées en vrac, noires pour la plupart. C'est incroyable de se dire qu'on peut aller si mal alors que l'on est si bien entouré. Et si ces derniers temps semblent plus cléments avec lui, il ne peut outrepasser sa nature défaitiste. Sauf quand elles sont là. Elles. Ces filles un peu bancales. Comme lui. Comme si elles le comprennent sans être sous sa peau. Une place unique dans son petit myocarde fragile. En fait, c'est un peu comme si avant elles, il se noyait péniblement dans les eaux troublés de son propre mal être, puis, elles lui ont lancé une bouée. Ca semble futile mais avec elles, il a l'impression d'exister tout simplement. Comme si la vie les avaient choisis toutes les deux pour qu'il parvienne à la savourer. Juste un peu. BIP. 'je viendrai pas ce soir, mon père veut pas que je sorte.' C'est Lilah. Ils avaient pourtant parlés de se retrouver chez lui depuis quelques jours déjà. Tant pis. Pourvu que la jolie Louise ne l'abandonne pas à son triste sort, qu'il se dit. Y'a deux visages qui se pointent devant la porte de sa chambre, il retire son casque et un large sourire se dessine sur son visage. Elle est là. Ton amie est là ! Si vous avez besoin de quoi que ce soit... Vous resterez manger avec nous Louise ? Maman grogne t-il, elle lui donne parfois l'impression ignoble de n'être qu'un adolescent attardé. Parfois Jax se demande si c'était pas mieux quand elle l'ignorait. Elle s’éclipse, laissant la porte entrouverte. Sans attendre, il vient la fermer pour avoir la paix dans son sanctuaire le blond. Lilah viendra pas. Putain ce qu'elle peut être belle Louise. Surtout lorsqu'elle sourit. Y'a ses battements qui s’accélère à chaque fois. Ses yeux qui brillent. Un nœud à l'estomac. Il le sait pas que c'est simplement parce qu'elle lui plait. Simplement parce qu'il en est fou. Il le comprend pas. Comment saisir l'amour quand on n'a jamais entendu ou prononcé ce mot.

Les marches craquent sous tes pieds alors que tu la suis jusqu’à la chambre de Jax. Il est bien là, sur son lit. Il lève de grands yeux bleus sur toi, et tu souris. Tu souris parce que t’es heureuse de le voir, tu souris parce que depuis un an c’est ce que tu fais dés que tu le vois. Tu souris parce que ses yeux, là, ils te déconcertent à chaque fois. « Vous resterez manger avec nous Louise ? » « Évidemment ! » Tu ne sais pas vraiment si elle a le temps d’entendre ta réponse qu’elle tourne les talons sous le grognement de son fils. Il est pas commode, Jackson, enfin pas avec les autres. Au premier abord il est pas très chaleureux, il impressionne. Pas toi. Parce que t’as connu sa faille tout de suite, cette fêlure immense dans son âme. « Lilah viendra pas. » Tu sais pas vraiment si t’es déçue ou si c’est une bonne surprise. Pas que tu l’aimes pas, Lilah, au contraire. Lilah c’est la soeur que t’auras jamais, cette copine que tu appelles souvent pour pas grand chose, celle qui connaît mieux ce qui se joue en toi que tes propres parents. Mais la perspective de te retrouver seule avec lui ne te déplaît pas. C’est pas pareil avec Jax, avec lui c’est moins simple, mais plus beau. Avec Jax, c’est moins naturel, plus maladroit. Tu avances jusqu’à te retrouver sur son lit, à côté de lui. Tu te penches, pose tes lèvres sur sa joue comme t’as l’habitude de le faire. Parce tu le sens pas toujours à l’aise quand tu fais ça, parce que t’aimes le gêner, et aussi parce que finalement, t’y tiens à ce baiser. « Et ça fend ton petit coeur fragile ? » Tu le taquines souvent avec Lilah, tu sais pas vraiment pourquoi. Sans doute que ça te rassure toutes les fois où il dément tes pics, mais là non plus tu sais pas vraiment pourquoi. « Tu préfères peut-être que je te laisse du coup ? » Tu lui souris, le pousse doucement du coude, te perds une nouvelle fois dans le ciel de ses yeux.

Ses lèvres qui viennent lui effleurer la joue. Il sent la chaleur monté en lui pour faire finalement rosir son visage. Elle s'est insinué dans sa vie pour lui apporter à la fois paix et trouble. A ses côtés, il se sent mieux, plus serein mais en même temps si mal à l'aise parfois, comme s'il avait peur. De quoi ? Difficile à dire, surtout qu'il est pas du genre courageux Jax, il a beaucoup de frayeurs qui envenime sa petite tête. En entendant ses mots, il se sent immédiatement dans l'obligation de démentir. n'importe quoi, c'est juste qu'elle prévient au dernier moment alors... puis, à cette mine moqueuse, il comprend enfin la plaisanterie de son amie et une main maladroite derrière sa nuque. Elle le taquine à chaque fois. Et à chacune des fois qu'elle le fait, le naïf et mignonnet Jax tombe dans le panneau. non je veux que tu restes. avoue t-il d'une voix mince, quasi inaudible, parce que pour lui, ce n'est pas si simple d'exprimer ainsi ce qu'il ressent. Il hausse les épaules. ce très cher kevin m'a encore piqué mes fringues sous la douche après le cours de sport. finit il par dire. Ca lui avait valu une scène particulièrement gênante dans les couloirs du lycée jusqu'à l'infirmerie où on lui avait filer des fringues de rechange. Un superbe jogging rouge et un tee shirt où était écrit : 'avec l'épicerie miam, vous mangerez à votre faim'. Pas aidant pour s'intégrer. Il cherche plus vraiment à le faire ceci dit. Y'a juste des jours comme celui ci où il aimerait être invisible. Il n'a rien dit à sa mère, elle s'inquièterait trop pour lui. Il arrive pas à trouver sa place le blondinet. Il arrive pas à faire autre chose que passer pour le taré de service. L'autiste. Le gamin différent des autres. Celui dont on aime se moquer parce qu'on sait qu'il se défendra pas vraiment. et toi ta journée ? conclu t-il sans en dire vraiment plus, simplement parce que de toutes façons, ça n'aurait pas grand interêt de develloper le sujet pendant des heures. Kevin est un crétin et Jax la victime parfaite. Un peu gringalet et trop discret pour se faire remarquer.

Il se justifie comme un gamin de quatre ans que t’aurais pris la main dans la boîte de madeleines, et ça te ferait presque fondre. Il est naïf, Jax, il croit tout ce que tu lui dis et t’imagines bien comme ça doit être difficile pour lui parfois, quand il rencontre des gens moins bien intentionnés que toi. « Non je veux que tu restes. » Il a dit ça comme il aurait pu parler de la météo, mais tu t’es figée brusquement, ça t’a fait tout bizarre à l’intérieur cette phrase de presque rien. Tu joues avec une mèche de cheveux, gênée par ces mots, l’entortilles autour de tes doigts, ne sais même plus quoi dire. « Je veux rester aussi. » Tu dis ça le plus simplement du monde et pourtant t’as l’impression que ça t’écorche les lèvres à chaque syllabe. Jackson se met à te parler de sa journée et tu baisses enfin les épaules que tu gardais crispées. Il évoque Kévin, le crétin fini de son lycée d’après ce que t’en as compris depuis qu’il t’en parle, celui qu’a été terminé à l’urine. Tu le connais pas, et d’ailleurs tu te dis que c’est une chance pour lui, mais tu le détestes ce type. Parce que Jax, il mérite pas d’être traité comme ça, parce que c’est à cause de types comme ça que des fois, ton meilleur ami, le pilier actuel de ta vie, il en peut plus, et que certains jours ça devient trop dur à supporter. Ça te tord le ventre rien que d’y penser, parce que Jackson il est tout ce que t’as toujours voulu éviter. Depuis trois ans tu fais la chasse au garçons comme lui, attachants, gentils. Ceux qui pourraient te faire tomber dans le tourbillon de la vie. Parce qu’un garçon comme Jackson, c’est de la souffrance assurée si l’épée que t’as au dessus de la tête se met à vaciller. « J’aurais voulu voir ça ! » Merde ! La prochaine fois tu réfléchiras avant de parler, comme on dit. Parce que là, franchement, y’a pas à dire dans le genre remarque gênante, ça se pose là ! T’avais qu’à lui dire carrément que t’aurais voulu le voir à poil, vous auriez à peine été plus gênés tous les deux. « J’ai rien fait. Tu sais en ce moment j’attends. J’attends le cancer, ou j’attends de vous voir toi et Lilah. Pour le moment j’ai pas à me plaindre, j’ai vu que vous. » Tu souris légèrement avec un haussement d'épaule. Tu parles toujours comme ça de ta maladie, avec distance, sans prendre dix mille pincettes. T’as eu un cancer, c’est comme ça. Et en ce moment, c’est vrai, tu commences à avoir peur qu’il revienne, parce que tu commences vraiment à apprécier l'équilibre de ta vie.

Je veux rester aussi. Ces mots résonnent dans le fond de son crâne. Souvent, il se demande pourquoi elle lui porte tant d’intérêt. Un peu comme la pom pom girl qui est amie avec le geek de service. Pas de cohérence. Illogisme total. Parce qu'elle est belle, drôle,  le genre de nana qui jette son peigne par terre et qui se retrouve entourée de mecs pour le lui rendre. Dans le fond, il aurait difficilement pu faire autrement que de s'enticher d'elle. Il raconte, il parle. Elle et Lilah à qui il se confie sur les aléas de sa vie. Sur cette tornade gastrique qui l'anime parfois quand il se sent mal et qu'il est obligé de se recroquevillé contre lui dans un coin de sa chambre le temps que ça passe. Il vient fourré un doigt dans sa bouche et en grignoter le bout. Toc perfide. Il n'arrive pas à s'en détacher. Sans doutes que ça l'aide à combattre le stress. voir quoi ? moi me baladant à poil dans les couloirs ? Ou l'autre et sa horde de serpents qui ricanent ? fait il, usant de second degré. Et si sa phrase aurait pu la mettre mal à l'aise, ce n'est pas le cas. Lui qui ne comprend pas les choses. Lui qui pense simplement qu'elle l'a taquiné. Il ne remarque absolument pas les signaux qu'elle peut lui envoyer pour lui faire comprendre que les papillons dans son ventre, il les partage avec elle. Le cancer, ce sujet devenu si récurent qu'il n'en ai plus sensible. Elle en parle sans honte. Sans se cacher. Une partie intégrante de sa vie qu'elle ne souhaite pas occulter. Elle est comme ça Louise. Elle fait face aux problèmes. Elle est forte. Plus que lui qui n'a pas une seule excuse valable pour être si mal dans sa peau. Plus que lui qui dispose d'une famille, d'amies et dont l’événement le plus traumatisant fut la perte de sa grand mère quand il avait une dizaine d'années. Face au cancer de la belle Louise, il serait plutôt du genre à faire comme s'il n'existait pas. Vous n’imaginez pas son soulagement quand elle a annoncé à ses deux amis que c'était terminé. Une bataille de gagné. Et elle sourit. Vraiment. Comme pour prouver à la mort qu'aujourd'hui encore, elle n'a pas gagné. T'as lu le bouquin que je t'ai passé ? demande t-il finalement en occultant presque ce qu'elle venait de dire. Ça le peine véritablement d'imaginer la fin de son amie. Étrange quand on sait que sa propre mort ne lui pose pas tant de soucis.

« Voir quoi ? Moi me baladant à poil dans les couloirs ? Ou l’autre et sa horde de serpents qui ricanent ? » Tu ris avec lui, le regarde sourire et ça te fait chaud au coeur. C’était un défi entre toi et Lilah au départ, quand vous avez commencé à vous voir régulièrement tous les trois. C’était à la première qui ferait fonctionner les zygomatiques de Jax. Généralement c’est toi qui gagnait. Pas toujours, parce que des fois, t’étais pas d’humeur non plus, tu pensais aux secondes qui s’écoulaient, comme autant de temps déjà derrière toi, perdu. Mais le plus souvent, tu la battais à plates coutures Lilah, surtout dernièrement, parce que rien qu’en te voyant, avant que tu lui embrasses la joue, il te souriait, Jax. Et faire sourire Jackson sans avoir rien dit, c’est le jackpot, les dollars qui tombent du ciel et le compteur qui s’affole. « Te voir toi à poil. Pour te soutenir j’aurais peut-être même enlevé mes fringues aussi. » Évidemment t’es pas vraiment sérieuse quand tu dis ça, même si tu aurais été capable de le faire. Tu as un rapport à ton corps assez particulier depuis qu’il a été vu, examiné, percé à maintes reprises durant plusieurs années. T’es plus très pudique depuis qu’on t’a déjà fait ta toilettes quand la chimiothérapie te mettait en aplasie et te faisait vomir ton énergie. T’es plus pudique non plus depuis qu’on t’a posé une chambre implantable sous la clavicule droite, parce que tes veines se faisaient la malle d’être autant piquées, parce qu’il fallait un site sûr sur lequel on puisse injecter ta chimiothérapie sans crainte qu’elle ne se diffuse sous ta peau. « T’as lu le bouquin que je t’ai passé ? » Il te sort de tes pensées alors que tu venais d’évoquer ta maladie. En plus d’être ton meilleur ami, Jackson est un peu ton libraire aussi. Il se passionne pour les livres, te transmet les émotions qu’il ressent en les lisant, et tu découvres les plaisirs de la littérature grâce à lui. « Il me reste le dernier chapitre. J’ose pas le lire, j’ai peur que ça se termine mal. » Tu dis ça doucement, comme si t’avais honte d’avouer craindre la fin d’un livre. « Tu me joueras du piano tout à l’heure ? » Tu cherches ses doigts, prends sa main dans la tienne, comme pour rendre ta demande plus insistante, pour éviter qu’il ne refuse, parce qu’il commence toujours pas refuser.

La déglutition qui se fait mal quand elle prononce ces mots. Elle se serait mise nue devant lui. Bordel, c'est un spectacle qui lui aurait valu un arrêt cardiaque au gamin. Lui qui ne connait pas la femme, lui qui n'a jamais rien fait de plus que flirter avec elles. Même pas un baiser partagé. Des sourires, des regards mais ça s'était arrêté à ce stade. Y'a ce rouge qui revient, vif, insistant et qui grimpe jusqu'à ses oreilles. On dirait qu'elle aime bien le mettre mal à l'aise, voir l'effet qu'elle produit chez lui, même si Jax, il s'en pas du tout compte de tout ça. Il veut pas parler de la maladie. Pas ce soir. Peut être parce qu'il ne veut pas admettre que ce foutu cancer peut revenir à sa porte n'importe quand. Même si elle continu de sourire. Même si elle arrive même à rire parfois, elle lui a prit trop de choses à Louise la maladie. La fatigue constante. Les heures perdues. Pourtant elle rayonne aux yeux de Jackson. Toujours. Il s'en souvient, une fois, il était allé la voir à l’hôpital, relié à toutes ses machines. Elle faisait une sieste. De toutes façons, à l'époque, elle passait le plus clair de son temps à dormir. Pâle comme un linge, les traits épuisés, marqués par la peur, la détresse. Les cheveux en moins. Mais lui, il l'avait trouvé belle. Il la trouve toujours belle. Alors tu préfères imaginer plutôt de savoir ? fit il alors qu'elle confie ne pas vouloir terminer le bouquin. Il sourit timidement. Elle a un pouvoir incroyable l'imagination. Gamin, il passait des heures à prétendre à jouer à être un autre, à s'inventer des histoires. Y'a sa main qui rejoint la sienne, douce, délicate. La sienne, plus maladroite, sans doutes un peu moite, ne sait pas bien comment se positionner. Il rumine une seconde en exprimant : Encore ? J'ai pas envie ce soir. Les sourcils qu'il fronce d'avance, sachant qu'elle ne le laissera pas céder si facilement. Toujours la même demande. Chaque fois qu'ils se voient chez lui. Simplement parce que c'est le seul endroit où il y a un piano. Lui, il aime jouer. Ca le calme souvent. Pas devant un public, il préfère garder ça pour lui. Il avait eu le malheur de lui en parler une fois...

« Alors tu préfères imaginer plutôt que de savoir ? » Tu souris, c’est une bonne question. Ta curiosité se meurt de lire la fin de ce roman, enfin, et de savoir si oui ou non il se terminera bien. Et ta sensibilité, elle, craint que la fin ne la fasse défaillir. Il y a des choses pour lesquelles tu manques de courage, et clairement, affronter les fins tristes de films ou de livres est l’une d’elles. C’est comme lorsque tu regardes Titanic et que tu l’arrêtes une demie heure avant la fin. « J’attends un jour où je me sentirai particulièrement courageuse. Ce jour là je lirai la fin. » Ce que tu aimes chez Jackson, parmi d'innombrables autres choses, c’est sa capacité à t’écouter sans te juger. Tu as parfois l’impression que si tu lui rendais visite en lui disant que tu viens de commettre un meurtre, il chercherait à comprendre pourquoi.

Quand tu lui demandes s’il accepte de te jouer un morceau de piano plus tard dans la soirée, il t’annonce sans surprise qu’il n’en a pas envie. Tu le sais gêné de jouer devant un public, même si son public se réduit à toi seule. Il aime se détendre à laisser ses doigts glisser sur le blanc et le noir au rythme de la musique, mais c’est un plaisir personnel pour Jackson, un plaisir solitaire. Mais d’aussi loin que tu t’en souviennes, le peu de refus que Jackson t’a fait sont rapidement devenus des oui. Parce que tu uses de tout pour le faire craquer, tes charmes, la culpabilité, la carte du cancer même parfois, dans les cas où tu es vraiment désespérée. Cette fois-ci, tu lui pousses doucement les épaules sur le lit et te met à califourchon sur lui. Tu sais cette position gênante, mais tu ne pensais pas qu’elle le serait autant pour toi. Cependant tu souris, fièrement de dominer ton ami ainsi. Comme si tu avais gravi l’Everest, comme s’il n’était plus en position pour refuser quoi que ce soit. Tu  te penches au dessus de lui, poses tes mains autour de son visage et plie les coudes, tes cheveux qui se mêlent aux siens, ton visage près du sien. Trop près du sien finalement, tu sens ton myocarde qui se contracte avec ferveur et qui part au galop dans une course folle. « S’il te plaît. » Tes yeux se perdent dans ses deux océans, ce regard qui t’a toujours fait chavirer, ce regard qui te tord le ventre chaque fois qu’il se pose sur toi.

Il pourrait lui trouver quelques défauts s'il creusait -quoique, il est sans doutes trop aveuglé par son amour pour parvenir à le faire-, cependant, le manque de courage est loin d'être une tare qu'il lui incomberait. Au contraire. Elle s'est battu avec ferveur dans un combat où elle n'avait pas l'avantage. Elle a gagné Louise, parce qu'elle est forte. Plus qu'elle ne le croit. Plus que n'importe qui d'autre. Il lui adresse un sourire emprunt de timidité. Parce qu'il lui arrive encore d'en avoir face à elle, ou serait plutôt de la pudeur ? je pense que tu vas adoré la fin Pas aussi glauque qu'elle semble l'imaginer. Jackson aussi aime les fins heureuse. Peut être parce qu'il se vautre dans les livres plutôt que sa vie et qu'il aime voir des fins heureuses. Pas sûre que la sienne le soit. Pas sûre qu'il est le courage d'aller jusqu'au bout. Des fois, il se dit que ça vaut la peine, puis à d'autre moment, il aimerait simplement renoncer à combattre. Ses démons sont plus puissants que lui. Le piano. A chaque fois. C'est pas de temps en temps qu'elle le réclame, c'est à chaque fois qu'ils se voient. Et ce petit jeu est devenu un rituel. Doux et agréable. Jamais elle n'en était venu à se positionner à califourchon sur lui avant aujourd'hui. Jamais aussi proche de son corps frêle, abimé par la maladie. Il se sent tressaillir. Son coeur bat plus vite que jamais, plus vite encore que le jour où il avait décidé de mettre fin à ses jours. Y'a un petit quelque chose qui lui broie l'estomac, comme s'il avait des gazs ou un truc qui se balade à l'intérieur. Une sensation étrange. Dire qu'elle le déstabilise serait faible. Quand elle s'approche comme ça de lui, il répond plus de rien Jackson. Il a l'impression d'être dans un monde parallèle. Ca ne dure qu'une seconde. Une mince et infime seconde mais son corps d'adolescent ne peut s'empêcher de réclamer ses lèvres contre les siennes. Il le fait, il effleure les siennes, passant une barrière jusque là imposée. Invisible mais bien présente. Faut pas se leurrer, il est pas prêt. C'est un vierge maladroit et franchement pas au clair sur ce qu'il ressent à cet instant précis. Puis il a peur. Vraiment peur de devoir la troquer, la perdre. Alors il pense avoir fait une bêtise. Il a tout gâché. Paumé, le regard fixé dans le sien. Il bafouille, il trouve pas ses mots. Merde ce qu'il a pu être bête.

Il pense que tu vas adorer la fin du livre, et dans ce cas tu imagines une fin plus heureuse que celle que tu craignais. Jackson n’est pas du genre à aimer les fins larmoyantes ou traumatisantes, comme toi. Cette révélation faite, tu sais que tu pourras lire sereinement la fin du roman en rentrant chez toi ce soir.

Alors que tu es à califourchon sur ton meilleur ami, penchée sur lui plus que de raison, tu sais que ça risque de déraper à tous moments. C’est à se demander si tu n’en as pas déjà envie. Alors l’inévitable se produit. Jax se redresse et tes lèvres rejoignent les tiennes. Le temps de quelques secondes à peines, vous êtes plus proches que vous ne l’avez jamais été. Tes yeux se ferment automatiquement, ton corps entier vibre au son de tes battements de coeur qui s’accélèrent, et tu frissonnes. Le baiser est rapide, mais ce court instant suffit à te retourner à l’intérieur et à te laisser l’esprit en chantier. Jackson aussi semble réaliser ce qu’il s’est passé. Il s’agite nerveusement, commence des phrases sans jamais toutefois réussir à les finir. Alors tu te couches à côté de lui, sur le côté, une jambe sur ses jambes, la tête contre son torse, et tu dis des choses qui te font trembler. « Jax.. Si tu recommences, je ne te repousserai pas. » Tu poses tes lèvres sur les siennes, mélange à nouveau ton souffle au sien quelques secondes comme pour lui prouver ce que tu lui dis. « Mais on est fragiles toi et moi. » Tu passes ta main derrière ta nuque, gênée, comme pour chercher des mots sur des phrases que tu n’aimerais pas avoir à dire. « Mais si tu recommences, tu t’exposes à souffrir si un jour je rechute. Si tu recommences, tu n’auras plus le droit de vouloir mourir, j’ai trop mal quand t’es comme ça Jax. » Quelques larmes coulent sur tes joues en pensant au mal être intérieur qu’il doit ressentir si c’est tellement douloureux qu’il préfèrerait en finir. Tu ne supportes pas l’idée qu’il souhaite se tuer, et encore moins l’idée qu’il meurt un jour, après avoir avalé trop de médicaments ou après s’être passé une corde autour du coup. Et sortir avec Jax, vous avouez vos sentiments, et vivre vos sentiments, ça rendra les choses encore plus fortes entre vous. Jax n’est pas n’importe qui. Jax, c’est le graal. Avec lui, ce sera sérieux, tu en as la conviction, et dans ton coeur encore adolescent, tu te dis qu’il pourrait même être le garçon pour ta vie. Mais quel avenir avez-vous tous les deux, les deux handicapés de la vie ?

Son visage d'ange collé au sien, son cœur qui éclate dans sa poitrine, il est pas loin de faire un malaise Jackson. Il se sent à la fois divinement bien mais en même temps assailli par le doute, les questionnements et ça le pourri. Ca le fout en l'air. C'est toujours comme ça avec lui de toutes façons, dès que les choses se compliquent, il ne contrôle absolument plus rien et ses émotions prennent le dessus sur tout le reste. Sauf que lui, il est trop émotif pour réussir à gérer quoi que ce soit. Trop nerveux pour parler, il se tait. Pour dire quoi en même temps. Il est trop maladroit pour réussir à exprimer ce qu'il ressent. Il le sait même pas lui même de toutes façons. Alors, comme souvent, c'est elle qui prend les choses en main. Ses joues virent d'abord au rouge lorsqu'elle lui annonce qu'elle ne le repousserait pas. Ca lui prouve une chose, il n'est pas insignifiant à ses yeux. Et s'il a du mal à saisir le pourquoi du comment, il choisit de rester sur ce fait unique et de le glorifier. Elle pourrait avoir n'importe qui et pourtant, c'est à lui qu'elle n'a pas dit non. Ses démons intérieurs s'éveillent, cris à l'intérieur. Puis elle continue, ses mots coulent sur lui, rogne son petit coeur meurtri. Il la regarde, indécis. Carrément flippé. Il n'avait pas songé, il n'a pas pesé à l'après quand il a posé ses lèvres sur les siennes. Jax l'a fait comme ça. C'est sans doutes la première chose irréfléchie qu'il est fait de son existence le gamin. Il dégluti. Il perds complètement ses moyens face à sa franchise. Surtout qu'elle est toujours accroupie sur lui. Puis elle pleure. Pourquoi est ce qu'elle pleure ? Il ne saisit pas toujours toutes les émotions qui animent son petit monde. Dans sa bulle impénétrable, il lui arrive encore de se sentir à côté de la plaque. Ses mots qu'il veut donner mais qui ne sortent pas. Rien. Pendant une bonne minute, un silence complet inonde la pièce d'un désespoir hurlant. Puis dans un murmure, quelques syllabes s'alignent : la mort, ce sera toujours une option Lou... Comme toi avec ta maladie... C'est ce qu'il ressent vraiment. Même si franchement, il veut recommencer. Goûter ses lèvres carmins à nouveau. Se noyer dans ses cheveux. Parce que son odeur est douce et rassurante. Parce qu'il l'aime, tout simplement.