tes pas résonnent lourdement contre le bitume glacé. tes pieds heurtent le sol, violemment, comme pris sous l’emprise du poids de tes pensées. les voitures défilent devant tes yeux nuageux, manège incessant. elles frappent l'air ambiant de leurs couleurs vives, la puissance de l'impact balayant doucement tes cheveux en rythme avec le vent. la lune se noie déjà quelque part au-dessus de ta tête. tu regardes l'astre distraitement, les pensées embrumées. des nuages plein la tête, la nébuleuse en plein cœur. des songes qui se concrétisent petit à petit à mesure que tu te rapproches du point de non-retour. tu secoues légèrement la tête de gauche à droite, le coin des lèvres manquant de dégouliner sur le bitume. tes propres messages se dessinent sous tes songes brisés. tu te rappelles tes propres mots, froids, détachés, faux. et puis ce tourbillon, destructeur, dévastateur.  tu soupires. t’as été un vrai connard. la brise s'emballe et vient se glisser entre tes doigts, griffe ta peau aux reflets hâlés. tes poings se crispent un peu plus, enfouis au fin fond des poches de ton pantalon. tu marches. en ligne droite, machinalement. google map te dit de tourner à droite. rendez-vous improvisé, à la recherche d'un semblant de lucidité. ton doigt s’écrase contre la sonnette. t’inspires. t’aurais pas dû venir. t’expires. t’aurais vraiment pas dû venir. t’as à peine le temps de contempler l’éventualité d’une fuite, la panique prenant petit à petit place dans tes veines, que déjà du bruit résonne derrière la porte en bois.

fuck off
t'essayes. tu fais comme tu peux. t'essayes. vraiment. penser à autre chose, quelqu'un d'autre. mais, tu sais très bien que c'est foutu, terminé, la fin du jeu. tu pousses un profond soupir, affalé sur ton lit, songeant encore et encore à ce qui a pu se passer en l'espace de quelques jours. putain, y'a deux semaines tout allait bien et la ... t'as l'impression que ton monde s'est écroulé en quelques jours seulement. et t'es complètement paumé. tu sais pas, tu sais plus quoi faire. t'as arrêté de répondre à ses messages et t'as songé à bloquer son numéro, mais, honnêtement, t'as pas eu le courage de le faire. t'es faible. minable. mais c'est comme ça, et sans doute que ça changera pas avant quelques jours, le temps de digérer ce qu'il a bien pu se passer. tu termines par abandonner ton téléphone avec un soupir, préférant te traîner dans la salle de bain pour une douche fraîche. il fait vraiment trop chaud ces temps-ci et t'es pas du genre à kiffer ces chaleurs extrêmes. tu prends ton temps, lavant tes cheveux avec soin avant d'éteindre l'eau une bonne fois pour toute. enroulant une serviette autour de tes hanches, tu essores tes mèches brunes avant de sortir de la pièce pour récupérer le t-shirt avec lequel tu dors. tu l'as piqué à ton frère, préférant de loin le fait d'être carrément trop petit pour porter ces fringues, puis que son t-shirt est bien trop grand et t'arrives au niveau des fesses. tu enfiles un boxer et tu vas poser la serviette à la salle de bain. tu fronces les sourcils en entendant sonner, jetant un coup d'œil à l'heure. il est déjà assez tard. tu retiens un soupir, traversant ton studio encombré pour ouvrir la porte. et, clairement, tu t'attendais pas à ça. tu ne t'attendais pas à lui. donne-moi une seule bonne raison de pas te claquer la porte au nez, donnie. tu lâches d'une voix totalement neutre, presque froide. qu'est ce qu'il fou la ? ça lui a pas suffit de te faire comprendre que t'étais juste un jouet pour lui ? un amusement passager. et dire que t'as été assez con pour t'attacher à ça.

sa voix vient s'immiscer dans les recoins les plus sombres de ton âme, « donne-moi une seule bonne raison de pas te claquer la porte au nez, donnie », ce ton rempli de froideur, gorgé d’amertume. tu grimaces, ouais, tu le mérites amplement. ses traits déformés par cet air glacé, hypnotisant, ravageur, déstabilisant. mortel, aussi, peut-être, probablement. ton regard glisse le long de son corps, atterrit sur ses jambes nues, remonte ensuite vers le nord pour s’attarder sur ses mèches de cheveux rebelles. elles sont encore partiellement trempées, dégoulinant dans son cou par vagues saccadées. tes pupilles suivent le mouvement et les souvenirs du comptoir, de son souffle brûlant, d’elie à genoux, d’elie contre ton corps, d’elie, d’elie, d’elie, t’éclatent à la figure. tu te racles la gorge bruyamment, basculant ton poids d’un pied à l’autre, chassant ces images d’un coup de déni acéré. t’es pas à l’aise. « j’ai- », tu soupires, « j’ai déconné. » t’es ici en quête de réponses à des questions que tu n’oses même pas te poser et tout ce que tu trouves à ajouter c’est, « et j’ai plus de thunes pour rentrer, puis le dernier bus vient de partir, du coup… ouais. » en réalité, ton appartement n’est pas si loin que ça, tu pourrais probablement rentrer à pieds sans en décéder. mais ça, elie n’a pas besoin de le savoir. t’hausses les épaules, feignant un air nonchalant. dans tes veines, ton sang pulse à une vitesse hallucinante.

fuck off
bordel, tu ne pensais vraiment pas le voir derrière ta porte. et t'es partagé entre joie et colère. tu sais pas si t'as envie de voir sa tronche ou pas. tu sais pas si t'as envie de l'écouter ou de lui dire d'aller se faire foutre. t'en sais rien, t'es paumé. tu te mords la joue, laissant la froideur apparente sur ton visage. t'es bien curieux de l'entendre, d'entendre ce qu'il veut bien te dire. j’ai- j’ai déconné. tes yeux roulent dans tes orbites et tu t'empêches de lui répondre un truc dans le genre 'naaaah, sans blague ?'. tu préfères retenir un soupir et croiser tes bras contre ton torse. et j’ai plus de thunes pour rentrer, puis le dernier bus vient de partir, du coup… ouais. tu fronces légèrement les sourcils, venant te gratter la joue du bout des doigts, réfléchissant à toute vitesse. est-ce que c'est vraiment une bonne idée de le laisser entrer chez-toi ? ton chez-toi. ton studio remplit de bordel et pas vraiment rangé. tu retiens un nouveau soupir. ouai, t'as bel et bien déconné. tu lâches en te retournant, rentrant dans l'appartement, laissant la porte ouverte derrière toi. invitation silencieuse. s'il est assez intelligent, il te suivra à l'intérieur et fermera la porte. tu passes une main sur ton visage. et avant qu'tu demandes, c'est pas le t-shirt d'un mec avec qui j'ai couché, mais un que j'ai piqué à mon frangin. tu marmonnes sans même savoir s'il t'entend. tu sais même pas pourquoi tu dis ça. pourquoi il serait jaloux d'abord ? t'es qu'une putain de chose. mais t'as envie de dire qu'il aurait pu être jaloux d'un autre mec. t'en as terriblement envie. alors tu laisses ton esprit le croire. tu pivotes finalement, lui faisant de nouveau face.

« ouai, t'as bel et bien déconné », le ton qu’il emploie, c’est comme un coup de poing dans ton abdomen. tu t’apprêtes à renchérir, t’es prêt à tout, t’es prêt à n’importe quoi. tu dois le faire changer d’avis, ça peut pas se finir comme ça. tes mots se cognent contre tes cordes vocales, tu parviens à chuchoter un étranglé « je- » avant qu’il ne te devance en s’enfonçant dans son studio, sans un mot. la porte ouverte. tu restes là, con, seul. tu finis par lui emboîter le pas, fermant la porte dans ton dos, vous isolant momentanément du monde extérieur. ton regard parcourt son monde, s’attarde sur chaque détail, ici et là. tu t’égarerais volontiers encore quelques minutes dans l’univers caractéristique de son studio mais sa voix te coupe dans ton élan. et avec son interruption, tu te rends compte de c’que t’étais en train de faire. t’es foutu. « et avant qu'tu demandes, c'est pas le t-shirt d'un mec avec qui j'ai couché, mais un que j'ai piqué à mon frangin. » il se tourne vers toi, te bloque le passage par la même occasion. tu t’arrêtes brusquement, t’appuies un peu plus sur ta canne, signe que t’es pas à l’aise. tu fuis son regard, te racles la gorge. « tu fais ta vie elie, t’as pas de compte à m’rendre… » ah. mensonge. ta mâchoire se contracte sous ta peau. « c’est pas comme si on était en couple », le ton que t’emploie est légèrement amer, tout comme ton rire factice qui le précède. une goutte d'eau dévale son cou. t'es à bout.

fuck off
je- tu retiens un rire nerveux. tu sais pas ce qu'il fout et t'as envie de lui foutre une claque. tu termines par te retourner, rentrant dans ton petit studio pour essayer de te calmer un peu. tu sais que donnie te suis en entendant ses pas et en écoutant la porte se fermer derrière lui. t'es en colère contre donnie. mais ta colère s'évapore aussitôt quand tu le vois s'appuyer presque difficilement contre la canne alors que tu te retournes vers lui. tu peux pas t'empêcher de justifier le t-shirt que tu portes. trop grand. trop lâche. qui pourrait facilement appartenir à quelqu'un d'autre que toi. un plan cul. tu te mords l'intérieur de la joue. tu fais ta vie elie, t’as pas de compte à m’rendre… pour une fois, il a raison. tu retiens un soupir, te mords la lèvre en jouant avec l'ourlet du dit t-shirt. c’est pas comme si on était en couple. a qui a faute ?tu marmonnes sans qu'il puisse t'entendre, enfin, tu espères. tu ris nerveusement, serrant le tissu entre tes doigts. tu fronces les sourcils en l'observant. pourquoi t'es la ? tu lâches d'une voix toujours aussi froide et indifférente alors que t'as juste envie de l'embrasser jusqu'à en perdre ton souffle. t'es en manque de sexe, c'est ça ? tu veux que j'te suce la bite une nouvelle fois ? tu te diriges vers la petite cuisine, récupérant une bouteille d'eau pour boire. t'as la gorge sèche, t'es même pas certain de réussir à parler encore. tu refoules cette tempête de sentiment en toi. c'est ça que tu veux ? tu enchaines, ta colère refaisant surface quand tu repenses à ce qu'il s'est passé l'autre jour au sex-shop. et sans savoir pourquoi ni comment, tu te retrouves de nouveau face à lui, ou plutôt, à genoux devant lui, furieux. furieux contre toi-même, contre donnie. mais t'es incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de laisser un sanglot agiter tes épaules. et tu te sens tellement vulnérable, tellement petit, minuscule, en proie à cette tempête interne. tu ramènes tes genoux contre ton torse, n'osant même plus relever la tête vers donnie. tu te sens honteux, blessé, en colère. encore et toujours.

ses lèvres dansent presque silencieusement, tu parviens à lui voler quelques mots, « a qui la faute ? » tu te contentes de baisser les yeux, d'esquiver son regard. les sourcils froncés, l’air faussement indifférent. « pourquoi t'es la ? » tu grimaces légèrement quand ses mots aux accents violents franchissent ses lèvres. tu lèves un sourcil nonchalant, le regard planant dans le vide. « j’suis même plus très sûr en fait… » t’as jamais été doué pour exprimer tes émotions. et encore une fois, tu manques l'opportunité de te livrer. il dit « t'es en manque de sexe, c'est ça ? tu veux que j'te suce la bite une nouvelle fois ? » et ton regard fuse vers ses traits exaspérés. tu suis son mouvement, la cuisine, la bouteille, t’observes mais t’es incapable du moindre mot, brisé par sa dureté, par sa froideur. « c'est ça que tu veux ? » tu secoues la tête de gauche à droite, d’abord lentement et puis plus vivement. tu veux qu’il comprenne, toi, tu veux tellement plus que ça. tout s’écroule quand elie tombe à genoux, devant toi. l’atmosphère est diamétralement opposée à la dernière fois. il est là, à tes pieds, vulnérable, frêle. t’as envie de le prendre dans tes bras. t’as envie de lui dire que tout va bien, que t’es là. son sanglot est ton déclic. en moins d’une seconde, tu t’accroupis à son niveau, difficilement. la position est inconfortable au possible, ta jambe te gêne atrocement mais tu te forces à ne rien laisser passer. tes mains viennent relever son visage, tu pousses ses jambes, brises la barrière qu'il a créée. tu l’attires à toi. « elie, arrête, calme-toi » encore une fois, tes mots restent coincés dans ta gorge. incapable de verbaliser tes remords. tes doigts viennent se caler dans sur sa nuque, ton pouce caresse sa peau. « tu veux que j'parte ? » tu supportes pas d'être la source de son malheur, « dis-moi de partir », mais t'es incapable de faire demi-tour. alors tu mets la décision entre ses mains. la lâcheté.