L’air balaye le manège extérieur doucement, une légère brise d’été, alors que le soleil a passé le zénith. Les pas de l’étalon à la robe noir frappent et font vibrer le sol d’un rythme mesurer. La cavalière ressert les rennes, tenant ainsi sa monture d’une poigne ferme mais raisonnable. Elle sentait sa monture tendue, concentrée, mais impatiente, elle changea le pas la canalisant plus facilement. L’entrainement touche à sa fin et elle relâche son emprise, invite l’étalon à se défouler un peu en un tour de circuit au galop. Le vent qui fouette à présent son visage par la course effrénée du cheval est vivifiant pour cette cavalière à l’esprit en perpétuelle torture. Fatiguée de penser, elle s’accorde un vide total dans son esprit, le temps juste de cette course. Le trot de l’équidé la ramène doucement aux écuries où elle remarque bien vite une silhouette inconnue. Elle arrête Orion, prénom bien ironique pour la belle Glanmor qui devrait l’avoir en horreur, mais cet étalon reste son préféré, peut être car il ressemble trop à son homonyme humain. Elle descend sans grandes difficulté de l’équidé qui s’est arrêté en face de l’entrée des écuries. Elle retire sa bombe, faisant tomber ainsi une cascade d’une sublime chevelure chocolatée. Bombe sous le bras, elle ressert la chemise de travail empruntée à son père, dissimulé la marque qui débute sous sa clavicule, belle brûle, typique d’une arme à feu, cicatrice qui effraie, et qui intrigue. Elle s’avance vers la silhouette à contrejour. Elle ne reconnait que l’uniforme de la police. Son cœur étrangement calme ne sonne pas l’alerte à son esprit occupé à analyser la situation. – Elia, un problème ? – Yara ne prête aucune attention à l’agent de police en face d’elle qui lui fait dos. Elle s’adresse et se concentre avant tout sur son employée qui semble mal à l’aise, et Yara se demande bien pourquoi. – C’est par rapport au vol du matériel d’hier… Votre père… – Yara fulmine déjà avant même qu’elle est finie. – Je le retiens ce vieux bougon… Je suis désolée, mais il y a erreur, nous n’avons pas besoin de vous… – Ses lèvres se figent, sa bouche reste entrouverte de mots muets. L’instant, cette fatalité est arrivée. Lui reste-t-il un simple espoir ? une simple échappatoire ?

Quand j’avais eu vent de cette mutation dans ma ville d’enfance, je n’avais pas su comment réagir à la nouvelle. D’un côté, ça me forçait à revenir là bas alors que j’étais parti pour une excellente raison et de l’autre… J’étais quand même très chanceux d’avoir une telle place. Je savais que je devais tout à mon supérieur, qu’il avait dû tirer des ficelles pour m’obtenir ce poste et par respect et amitié pour lui, je me devais de ne pas le décevoir alors j’avais accepté, j’avais pris mes affaires et j’avais ré-emménagé là bas. D’abord, j’avais dû aller chez ma tante parce que je n’avais nulle part d’autre où aller mais j’avais réussi à me trouver un maison sympathique où habiter, disons que ça servait bien d’être le chef de la police de la ville, moi aussi je pouvais tirer mes propres ficelles désormais. Ce nouveau travail était différent de l’ancien mais au fond, ce n’était pas plus mal comme ça, j’avais clairement besoin d’un nouveau départ et être profiler n’était plus fait pour moi, il me rappelait bien trop Yara et de l’échec de ce qu’aurait dû être ma vie si elle n’était pas partie sans demander son reste. Soit. Il ne servait à rien de penser au passé même si les radoteuses de la ville se plaisait à répéter encore et encore son prénom. Ca me donnait une folle envie de leur faire faire un bon séjour derrière les barreaux, juste pour mon propre plaisir personnel. Aujourd’hui, je ne pouvais pas rester derrière mon bureau à donner des ordres, je devais sortir un peu et lorsque j’eu vent d’une affaire de vol au haras de la famille Glanmor, la famille de Yara. J’avais parfois la sensation d’être masochiste et cette affaire ne faisait que le prouver une énième fois. Je ne croyais pas en cette histoire de retour de Yara avec un enfant mais je ne pouvais m’empêcher de vouloir tirer les choses au clair alors je fonçais. Je prenais ma voiture de fonction et roulais rapidement jusqu’au haras familial. Là bas, je trouvais une jeune femme à qui j’expliquais la raison de ma venue. A peine quelques instants plus tard, j’entends une voix qui me trouble, qui me gèle sur place, comme venue d’un passé lointain, d’une autre vie et la vérité, c’est que c’était un peu ça. Alors que je me tourne, elle s’arrête de parler en me reconnaissant et le silence devient pesant et gênant. Aucun de nous deux ne s’attendait à ça et ça se voyait clairement sur nos visages. Je reprends mes esprits et fronce les sourcils. « Il semblerait que si. »

Avoir besoin de lui ? Évidemment que oui, il y a de ça déjà quatre ans qu’elle aurait eu besoin de lui. Ses yeux ne savent plus très bien s’ils fixent un mirage, une saloperie d’hallucination ou qu’ils font face à une réalité fatidique, cet instant propice à la chute de l’épée de Damoclès qui trône au-dessus d’elle depuis quatre ans. Son cerveau tente de délier ces nœuds, de résoudre ces mystères sans solution, pour comprendre, juste comprendre comment s’en est arrivé là. Puis, il parle ce mirage d’outre-tombe. Il sait, parler comme lui, le lui d’autrefois. Détaché avec ce brin dédaignant, protecteur face à une vie d’autrefois abandonnée. Yara le reconnait bien là. Ce froncement de nez quand quelque chose lui déplait, ce regard dur quand il a des reproches à faire. Orion dans toute sa splendeur. Dédaigneux et à la fois parfaitement détaché, une sorte de déformation professionnelle d’un boulot qu’ils ont exercé autrefois tous les deux. Yara n’en connait pas réellement les détails, elle sait juste qu’il est là maintenant, comme elle. Elle se détache elle aussi, de lui, de ce qu’il représente, jette un coup d’œil à son employée. – Va reprendre ce que tu faisais, je m’en occupe. – Une rapide entente dans le regard, et l’employée d’étale. La belle brune se redresse, bombe le torse, respire l’assurance dont elle est capable de rassembler et lui fait face avec ce regard vide de tout. Elle l’observe un instant, lui. Un fantôme. Un nom : Orion, et elle se souvient. Tout lui revient et même si le doute avait pu la titiller, maintenant il n’en est rien. Le pourquoi de ces quatre années est limpide, clair, fluide. Pas un coup de fil. Pas un mot. Pas une entrevue. Elle sait pourquoi. Tout lui revient en mémoire. – Ceci n’est qu’une erreur. Du matériel a été déplacé, rien de plus. Merci de vous être déplacé, mais nous n’avons pas besoin de vous. – Certainement pas besoin de toi, aurait-elle pu ajouter si elle ne feint l’ignorance. Un hochement de la tête pour clôturer cette conversation. – Bonne journée. – Elle le dépasse, ne prend pas la peine de rajouter quoi que ce soit, en soit-il ne le mérite aucunement aux yeux de Yara. Elle va pour préparer l’espace de lavage pour les chevaux en travaille le matin, quand des petits pas résonnent dans l’écurie. – Maman… Maman ! – Yara a peine le temps de se retourner qu’elle attrape à la volée une tête aux belles boucle brune de sa mère. Yara fronce les sourcils et soupire. – Combien de fois je t’ai demandé de ne pas courir et encore moins crier dans les écuries. Tes amis vont prendre peur. – La moue de Rozen a raison trop vite de sa mère qui dissimule comme elle peut ce bien si précieux aux yeux de l’homme dans son dos. Elle replace une mèche derrière l’oreille de sa fille. – Mais c’est papy maman. Il veut voir le monsieur policier ! – En à peine une seconde, l’idée lui glace le sang. En une seconde, sa fille se retourne vers l’homme et lui fait un grand coucou. Yara inspire longuement et reprend le contrôle malgré une peur en son sein, dévorant ses entrailles. Elle retourne sa fille, lui attache les cheveux tout en parlant. – Tu vas dire à ton grand père, que c’est un vieux fou, aigri et buté, qu’il ne verra pas le policier, car je l’ai renvoyé. Okay ? - Elle finit la queue de sa fille, la retourne pour lui faire un clin d’œil et la pousse pour qu’elle d’étale vers la grande bâtisse des propriétaires. Le cœur battant dans ses tempes, Yara tente de feindre l’indifférence, de contrôler son corps qui pourrait la trahir. Elle se relève et retourne à sa préparation de l’espace de pansage. Obnubilée pour ça, son esprit s’apaise, une voix lui murmure silencieusement qu’il partira, tournera les talons comme il a fait il y a quatre ans.