C’était une journée banale. Comme les autres. Une journée vide de saveur, que Biddie viendrait peut-être épicer dans la journée. Il n’en savait rien, à vrai dire ils ne prévoyaient rien. C’était toujours en dernière minute, lorsque l’un ou l’autre commençait à un peu trop s’ennuyer. C’était ça, sa vie. S’emmerder, traîner, voler, dormir. Il ne s’en plaignait pas, au fond il se complaisait dans sa misère. Ce n’était pas le grand luxe, c’était pas le rêve, mais c’était bien. Il était libre. Célibataire, sans travail. Sur papier, d’accord, ça le fait moyen. Mais en réalité ce n’était pas si mal. Ce jour-là il avait donc décider d’acheter un énième jeu vidéo. Ça faisait longtemps qu’il n’allait plus directement les chercher en boutique, il avait pris l’habitude de commander tout ce qu’il lui fallait sur internet pour ne pas bouger de son canapé. Mais ce jeu il en avait envie tout de suite, maintenant. Alors il partit le chercher, naïvement. Sans arrière-pensée aucune, sans trop réfléchir. C’était tellement banale comme situation. Il marcha jusqu’à ladite destination, avant d’entrer dans le magasin. Il marmonna un petit  « bonjour » sans vraiment prêter attention aux personnes à qui il s’adressait et commença à se balader dans le bâtiment. Il traîna un peu, pendant une dizaine de minutes, avant de s’avancer jusqu’à la caisse avec le jeu. Sans regarder qui se trouvait derrière le comptoir, il déposa le jeu sur la caisse et commença à fouiller ses poches pour trouver de quoi payer. Ce fut au moment de sortir l’argent qu’il la vit. Il aurait pu jurer qu’à cet instant, son cœur avait cessé de battre, son système nerveux avait cessé de fonctionné. C’était elle. Il ne réagit pas tout de suite, il y eut deux ou trois secondes où il resta figé, incapable de dire quoique ce soit. Elle se tenait là, comme si tout était normal, comme s’il n’y avait aucun problème à ce qu’elle travaille précisément dans cette boutique. A Maggie Valley. Ses cheveux semblaient un peu plus courts qu’avant, elle avait l’air plus fatiguée aussi. Mais sinon, c’était toujours elle. Toujours la même. Toujours la même gueule d’ange. « Qu’est-ce que tu fous là ? » demanda-t-il froidement, comme un reproche. Comme si la ville lui appartenait et qu’elle avait besoin de son autorisation pour y venir. Il était persuadé qu’il aurait préféré qu’elle le prévienne qu’elle comptait revenir, mais au fond cela n’aurait pas changé grand-chose. Elle avait juste retardé l’inévitable.

Tu avais du mal à retrouver ta place, cette place que tu avais laissé depuis plusieurs années, tu l'avais abandonné, et tu sentais la rancune de ta ville sur tes épaules. Tu essayais de te racheter, de te construire une vie, tu avais un boulot, tu y passais le plus clair de ton temps, essayant d'oublier, de tout oublier en te tuant au travail, c'était dans ton habitude, tout le monde le savait ... Tu aimais ce bruit, le bruit de ces enfants, de ces jeunes criant, testant les jeux, bruits aigus comme une symphonie dans ta tête. Tu aimais être dans ta solitude, tu aimais être là sans personne pour qui te juger, sans personne essayant de t'aider, tu en avais marre de toutes ces mains se tendant pour te relever, marre d'avoir besoin d'aide des gens, tu voulais te débrouiller seule, tu n'avais besoin de personne. Tu essayais de t'en convaincre, tu n'y arrivais pas néanmoins. Deux mois déjà que tu étais revenue et rien n'avait changé, personne est venu te voir, tu n'as recherché à contacter personne encore, tu n'es pas encore prête ... Pas encore prête d'affronter le regard de ces gens qui t'ont connu dans ton apothéose ... Tu aurais pu être tellement mieux Marge, il a fallut que tu vois trop grand, que tu ailles trop haut pour finalement tomber d'une chute mortelle.

Il était presque dix sept heures, tu avais bientôt fini, tu aurais aimé rester, ne pas devoir supporter encore un diner en famille, ou ton frère te demanderait avec matchisme si tu avais un copain, une soeur essayant d'assumer son rôle protecteur et des parents te regardant, souriant, cherchant la faille, cherchant là ou ils avaient merdé pour que ça finisse ainsi, toi tu savais qu'ils étaient là pour toi, qu'ils voulaient que ton bonheur mais même si tu avais besoin de revenir, tu as besoin de ton oxygène, de ton espace, doux paroxysme. Tu bosses alors, beaucoup, énormément pour pouvoir te trouver un appartement, pour pouvoir devenir la femme forte que tu as envie d'être depuis toujours ... Machinalement tu regardes le prix du jeu vidéo que l'on vient de te tendre "Trente euros s'il vous plait" Trente euros pour un jeu, ou va le monde, pour un jeu de mer... « Qu’est-ce que tu fous là ? » Yeux braqués, bloquée, ton coeur battait la chamade ... Il n'avait pas changé, toujours le même que celui que tu as quitté deux ans plus tôt, un peu plus adulte peut être, tu ne savais pas quoi faire, coeur qui s'emballe "Sa..Salut ... Je suis revenue vivre avec mes parents ... Y a deux mois" Tu n'aurais pas pu penser plus embarassante comme retrouvaille, tu l'avais pensé, retourné dans ta tête, tu n'y avais pas pensé comme ça, pourtant toi, tu le sais plus que n'importe qui que Lucas aime les jeux vidéos alors pourquoi n'y as tu pas pensé ... Dire quelque chose, combler le vide "Ca va ?" Tu aurais pu faire mieux, tu aimerais lui dire tellement plus, mots bloqués dans le fond de ta gorge

Elle-aussi semblait ne pas l’avoir remarqué plus tôt. Ça se lisait sur son visage, cette même stupeur qu’il avait éprouvé quelques instants auparavant. Il lui demanda ce qu’elle foutait là. En vrai, il le voyait bien, ce qu’elle foutait. Elle était revenue et menait sa petite vie tranquillement.  « Sa..Salut ... Je suis revenue vivre avec mes parents ... Y a deux mois » bafouilla-t-elle. Deux putains de mois. Sans qu’il ne se doute jamais de rien. Il avait la haine, la rage au ventre. Il ne savait même pas pourquoi. Mille fois il s’était remis en question, se demandant s’il aurait dû la suivre, s’il aurait dû se mettre dans les rangs pour elle et devenir un bon petit new-yorkais. Et mille fois la même réponse lui sautait au visage : non. A l’époque, elle n’avait même pas eu l’air très dévastée lorsqu’elle était partie. Il la revoyait encore, toute heureuse d’avoir été acceptée à New-York pour son stage, comme si lui n’avait jamais compté. C’était sans doute égoïste de sa part, un égo mal-placé aussi peut-être. Il avait envie de la prendre par les épaules et la secouer. Il ne savait pas quoi dire. Sa voix lui était tellement familière, il se sentait bien rien qu’à en entendre le son, il avait presque la sensation que tout était redevenu comme avant. « Ca va ? » Il pouvait pas. Il pouvait pas faire semblant de rien et entamer ce genre de conversation bateau avec elle. Sauver la mise, sourire poliment, lui retourner la question comme si c’était naturel. Non, sa rancœur le dévorait trop pour ça. « C’est tout ce que t’as à dire ? T’es vraiment trop conne, Marge. » cracha-t-il en déposant brusquement l’argent qu’il lui devait sur le comptoir. Il ne savait pas ce qu’il avait espéré. Mais pas ça, pas comme ça. « Pourquoi t’es pas restée à New-York ? Là-bas aussi, c’était pas assez bien pour toi ? C’était quoi, cette fois ? T’as laissé qui ? » Par chance, il y avait peu de clients dans la boutique et personne pour patienter derrière Lucas à la caisse. A cet instant, il n'en avait pas grand chose à faire de toute façon.

Tu savais que le jugement était venu, tu n'allais pas y échapper, pas cette fois ci, tu ne pouvais plus fuir. Tu ne voulais plus fuir, il méritait mieux, tellement mieux que ça, des explications, tu devrais en donner sûrement, tu n'en as pas forcément envie, envie de continuer ta petite vie dans ton petit trou de rat, sans personne, sans lumière pour que l'on puisse te voir ... Tu ne savais pas détacher ton regard de lui mais qu'est ce que tu avais mal, mal d'être de nouveau devant lui et de te rendre compte à quel point tout avait tellement changé, tu aimerais tellement revenir dans ce passé ou vous deux c'était une évidence, ou il faisait parti de tout tes projets

... Maintenant, il te regardait avec haine et dégout, la roue tourne toujours, flèche pointée sur toi dorénavant ... Tu acceptais, tu n'avais pas le choix ... T'es vraiment trop conne qu'il te disait, sûrement ... Qu'est ce que tu avais été bête de partir, tout ça pour nourrir une foutue ambition factice, tu n'aurais pas du partir, des occasions tu aurais pu en avoir d'autre, sans tout détruire autour de toi ... "Je suis désolée ... Lucas ... Je ..." Tu bafouillais dans un souffle, tu n'aimais pas être du coté de l'accusé toi la justicière lambda ... "Je ne sais pas quoi te dire de plus ... Je n'ai rien pour me justifier, je t'ai fais du mal, je ne pourrais pas changer ça ..." Ton coeur se déchirait à chaque phrase. Tu étais un monstre Marge ... Faisant du mal, égoïste extrême, ne visant que tes propres objectifs, vous auriez pu être heureux à deux, il avait surement creer son bonheur avec quelqu'un d'autre maintenant, douleur rien qu'a cette image. Brusque, dur, tu avais autant de peur que de regret dans le regard ... Il t'en voulait, il avait du souffrir autant que toi "Je suis revenue car je me suis trompée, je ne suis pas à la hauteur pour rester là bas ... Je ... n'ai laissé personne, j'étais toute seule, tellement seule ... J'ai regretté très vite d'être partie tu sais ..." Comme si ça allait changé quelque chose, tu as souffert à New York, tes poignets, les marques de tes piqûres en sont une preuve énorme, tu n'avais qu'à pas partir c'est tout ... "Lucas ... je" Tu ne savais pas quoi faire, que dire, tu voulais tant parler, lui demander comment allait sa vie, ce qui avait changer, tu n'en avais pas le courage, pas le courage d'entendre que ça allait peut être mieux depuis que tu ne fais pas parti de l'équation.

Tu te tordais les doigts, tout pur essayer de t'occuper, tout pour ne pas le regarder, lui que tu as tant aimé, tu aimerais rentrer sous terre. Retourner là d'ou tu viens, ne plus ennuyer, ne plus faire du mal ... Le contact te manque, tu aimerais le toucher, juste un instant, ressentir ce que tu ressentais ... Ce que tu ressens toujours pour lui, lui ton premier amour, le dernier aussi .. Tu as goutté au plaisir, à la chair, à la peau d'un homme mais tu n'as jamais senti ce frémissement que tu sentais avec lui, tu n'as jamais pu redire je t'aime, jamais pu avoir cette sensation d'estomac noué quand il t'embrassait. Tout ça te fait mal, nerfs noués te faisant mal ... Tu suffoquais, les reproches te noyaient ... Il te reprochait d'être partie, d'être partie si longtemps ... Deux ans, c'est vrai, deux ans pire que la mort "Tu sais ce que c'est de croire que tu as toujours raison et de rire au nez des gens pour finalement connaitre deux fois pire que ce qu'ils t'ont prédit ? C'est ce que j'ai ressentis, et tu es tellement honteuse de t'être cru supérieure que tu préfères rester dans ta merde que de revenir et d'entendre les gens dire que je n'ai eu que ce que j'ai semé" Tu n'avais pas à te justifier, ça ne servirait à rien de toute façon, de te plaindre, de tout lui dire, qu'est ce que ça allait changer, ça allait juste le dégoûter de toi encore plus, ce n'était pas le moment, tu n'étais plus la même, tu l'as pleuré longtemps, ça ne lui servirait à rien de le savoir "Je ne suis pas revenue, c'est vrai mais qu'est ce que ça aurait changé pour toi si j'étais revenue plus tôt, absolument rien, l'acte était fait, je ne me suis rendue compte que tardivement que tout ce qui était important pour moi était ici, rien ne m'apportait du bonheur là bas car toutes les personnes que j'aime sont ici' Du mal à exprimer tes sentiments, du mal à ne pas t'emporter, du mal à ne pas lui dire que malgré ces deux années, tu n'as jamais aimé comme tu pouvais l'aimer lui, trop tard, tu as eu ta chance ... "Tu ... Tu n'as pas changé en deux ans, tu sais ..." Changement de sujet, tentative numéro une, partir à la recherche d'informations le concernant, deux ans ... Il y a pu avoir beaucoup de choses en deux ans ...

« Tu sais ce que c'est de croire que tu as toujours raison et de rire au nez des gens pour finalement connaitre deux fois pire que ce qu'ils t'ont prédit ? C'est ce que j'ai ressentis, et tu es tellement honteuse de t'être cru supérieure que tu préfères rester dans ta merde que de revenir et d'entendre les gens dire que je n'ai eu que ce que j'ai semé » Il l’écoutait, ou plutôt il entendait ce qu’elle lui disait sans vraiment comprendre. Il ne comprenait pas de quoi elle parlait, peut-être était-ce son stage qui s’était mal passé. Il essayait de se convaincre qu’il s’en foutait, que ce n’était plus ses affaires. Mais ça lui faisait quelque chose de la voir comme ça, de voir qu’elle n’avait pas eu tout ce qu’elle voulait. « Je ne suis pas revenue, c'est vrai mais qu'est ce que ça aurait changé pour toi si j'étais revenue plus tôt, absolument rien, l'acte était fait, je ne me suis rendue compte que tardivement que tout ce qui était important pour moi était ici, rien ne m'apportait du bonheur là bas car toutes les personnes que j'aime sont ici » Celle qui balbutiait à peine quelques mots quelques instants plus tôt avait retrouvé la parole. Elle semblait avoir beaucoup de choses à dire, contrairement à Lucas qui restait silencieux. Il n’avait pas envie de la plaindre, de lui dire qu’il était désolé pour elle. Elle l’avait cherché. Elle était partie toute seule, comme une grande. « Tu ... Tu n'as pas changé en deux ans, tu sais ... » Il détourna le regard un instant, sur les nerfs. Il n’avait pas non plus la sensation d’avoir changé. Toujours le même, toujours la même vieille tête de con, toujours les mêmes conneries. Sauf que maintenant il n’avait plus rien à perdre. « Toi non plus. » Il n’avait pas envie de jouer à ça avec elle, aux retrouvailles mielleuses, aux mots doux. La rancœur et la douleur étaient toujours trop vives. « Des clients vont sûrement pas tarder à arriver, j’devrais partir. » Il prit son jeu vidéo et regarda Marge quelques secondes, comme pour s’assurer qu’elle était bien là, qu’il n’avait pas rêvé. « Tu devrais dormir, t’as l’air fatiguée. » Ce n’était probablement pas la meilleure chose à dire à une personne que l’on n’a plus vu depuis deux ans. Tant pis.

Tu avais mal au coeur de voir cette situation, de voir à quel point tu avais pu merder, tu étais vraiment une idiote Marge, tu touchais le bonheur du bout du doigt et tu l'as laissé tomber, qu'est ce que ça aurait été si tu étais restée ? Est ce que vous seriez encore ensemble malgré tout ? Est ce que tu aurais eu d'autres plans de carrière ? D'autres projets ? Tu aurais tellement aimé savoir comment ça aurait tourné si tu avais choisi l'amour plutôt que l'ambition ... Aurais tu été récompensée ? Sûrement, ça n'aurait pas pu être pire, pire que cet enfer que tu as vécu ... Tu n'aurais pas autant changé ... "J'ai beaucoup plus changé que tu peux le penser" Tu as perd ton innocence, perdu ta petite boule de joie, tu n'es plus que haine et noirceur, plus rien de bon, plus rien dont tu peux être vraiment fière ... Il était sur le point de partir, tu ne voulais pas. Tu avais enfin eu l'occasion de le voir, tu n'avais eu aucune réponse, rien ... Tu ne le verrais peut être pas avant longtemps, il ne pouvait pas ... te laisser "Pour l'instant il n'y as personne, tu peux encore rester un peu, ça ne dérange personne, y a pas grand monde ..." s'il te plait, reste, reste ... Tu essayais de lui sourire, tu essayais, ressemblant plus à une grimace qu'a quelque chose d'autre, tu ne savais plus quoi faire, tu ne récoltais que ce que tu avais semé, c'est tout ... Tu avais l'air fatiguée qu'il te disait, si seulement il savait à quel point ... Cernes accentuées par le manque de drogue, par le nombre de fois ou tu te retournes sur ton oreiller à essayer de comprendre le pourquoi du comment, de comment tu as pu en arriver là ... "Non ça va c'est juste que ... j'ai beaucoup de boulot en ce moment ... beaucoup de stress ... avec les études et tout, tu sais ..." Mensonge. "On parle de moi mais toi qu'as tu fais ces deux dernières années ?" Comment pouvais tu lui parler comme si c'était une simple conversations normales, comme si vous étiez deux amis, en pleine retrouvaille.

« J'ai beaucoup plus changé que tu peux le penser » Il ne le remarquait pas spécialement, ce changement. Il était vrai qu’elle avait l’air plus fatiguée, plus fébrile et moins confiante. Mais Lucas mettait ça sur le compte de leurs retrouvailles, sur la pression des études. Il ne se doutait pas une seconde sa descente aux enfers. Puis il était trop aveuglé par les émotions qui se bousculaient en lui pour remarquer quoique ce soit. « Ah bon… » C’était nul, comme réponse. Il ne savait pas quoi lui dire d’autre. Ce qu’elle était devenue, ça ne le regardait plus. Il ne comprenait pas ce qu’elle attendait de lui, pourquoi est-ce qu’elle lui disait tout ça. « Pour l'instant il n'y as personne, tu peux encore rester un peu, ça ne dérange personne, y a pas grand monde ... » Il regarda la porte de sortie avant de reposer son regard sur Marge. Il n’avait pas trop envie de rester. Il avait mal. Mais il ne savait pas dire non. « Ok, mais pas longtemps. J’ai… Des trucs à faire. » Ou pas. Pas grave, elle n’en saurait jamais rien. Il lui fit remarquer qu’elle avait l’air fatiguée. Ce n’était un secret pour personne, au vu de ses cernes et de son regard un peu vitreux. Elle n’avait pas l’air dans son assiette, mais sans doute était-ce parce qu’elle se trouvait en face de son ex petit-ami. « Non ça va c'est juste que ... j'ai beaucoup de boulot en ce moment ... beaucoup de stress ... avec les études et tout, tu sais ... » Il hocha légèrement la tête, faisant mine de comprendre. Les études, le boulot, il ne connaissait pas. Mais il pouvait imaginer la pression que cela représentait. Mais encore une fois, il n’allait pas la plaindre. Ce n’était plus son rôle. « On parle de moi mais toi qu'as tu fais ces deux dernières années ? » Cette question le mit mal à l’aise, presque comme si Marge l’avait agressé. Par rapport à elle et ses brillantes études, que pouvait-il dire ? Elle allait juste le faire passer pour minable, une fois de plus. Lui faire sentir qu’il n’avait pas changé, qu’il n’était toujours pas assez bien pour elle. « A ton avis ? Tu veux que je te dise quoi ? Non, Marge, j’ai toujours pas fait d’études, j’ai toujours pas de travail, je suis toujours le même minable d’il y a deux ans. C’est ça que tu veux entendre ? Tu te sentirais mieux dans ta peau ? » cracha-t-il, non sans une pointe d’agressivité dans la voix. Il soupira et reprit, d’une voix plus calme : « Arrête d’essayer de me faire la conversation, ça sert à rien. Je m’en fous de ta vie, tu t’en fous de la mienne. »

Il n'avait pas envie de rester, ça se voyait, tu t'en rendais bien compte, tes tentatives de discussions étaient aussi vaine que si tu essayais d'attraper de l'air. Tu n'arrivais pas néanmoins à lui dire au revoir, et passe une bonne vie. Tu n'arrivais pas à t'imaginer que surement dés qu'il passerait la porte, vous passeriez votre vie à vous ignorez sans même vous jetez un regard si il vous arrivait de vous croiser dans la rue. En ce moment, tu te sentis terriblement seule, te rendant compte que finalement, très peu de gens étaient heureux que tu sois revenue ... Tu ne servais plus à rien dans cette ville, tu aurais peut être due rester une lâche, rester dans cette grande ville, mangée par tout le monde mais ou tu n'aurais pas eu toutes ces accusations, non ce n'était pas une solution non plus ... Ta vie ne se résumerait qu'a rester seule et à avoir un bon boulot, comme si le boulot faisait tout, comme si le boulot réchauffait le coeur et le lit ... Tu te souviens de toi, y a deux ans, tu te souviens que tu pensais devenir quelqu'un de grand, quelqu'un revenant à Maggie Valley triomphante, quelqu'un dont les parents seraient fières, tu pensais que lui t'attendrait ... Qu'est ce que tu pouvais être naive Marge ... « Ok, mais pas longtemps. J’ai… Des trucs à faire. » Voir une fille peut être, à moins qu'il ai un boulot ? Tu le critiquais souvent sur ça, son manque d'ambition et finalement la merde entre vous deux, c'était toi ... Tu n'avais plus vraiment de temps, tu étais sur un terrain miné, tu ne savais pas quoi dire, tout était contre toi, tout pourrait lui faire tourner les talons et que tu n'ai plus aucune chance, qu'il t'accorde son pardon ... Tu devais faire pitié là, derrière ta caisse, complètement stone à essayer en vain de retenir la seule flamme de vie que tu as ressenti depuis ton retour. Vous étiez mal à l'aise tout les deux, qu'est ce que tu aurais aimé savoir ce qu'il pouvait bien penser, savoir si il était quand même un peu heureux de te voir, savoir si tu devais vraiment lâcher prise ... « A ton avis ? Tu veux que je te dise quoi ? Non, Marge, j’ai toujours pas fait d’études, j’ai toujours pas de travail, je suis toujours le même minable d’il y a deux ans. C’est ça que tu veux entendre ? Tu te sentirais mieux dans ta peau ? » Bim dans les dents, tu l'avais fait souffrir, toi et ton arrogance, toi qui te croyait tellement supérieure, toi qui a ét bloquée juste par un statut alors que Lucas était une personne exceptionnelle, tu ne voulais pas être avec un mec qui ne pourrait pas l'assumer, qui ne pourrait pas avancer en même temps qu'elle, tu te rends compte que maintenant que c'est toi qui est restée sur cette foutue case départ. "Lucas ... Non, ce n'est pas ça que je voulais entendre ... Je .. Je suis plus cette salope arrogante que j'étais y a deux ans, j'en ai rien à faire que tu n'ai pas de boulot, je te demande comment toi tu vas ... Qu'est ce qui a changé chez toi, pas ce que tu as fait dans ta vie, je ne suis plus vraiment celle qui peut te juger la dessus ... Je suis fatiguée de juger les gens Lucas ..." Tu essayais de te reveiller, de le regarder dans les yeux, de lui faire comprendre que tu ferais tout pour qu'il se rende compte que tu n'es plus la même, tu ne voulais rien en retour. « Arrête d’essayer de me faire la conversation, ça sert à rien. Je m’en fous de ta vie, tu t’en fous de la mienne. » Oui il s'en fout, tout le monde s'en fout ... "Alors si tu t'en fous pourquoi tu es encore là ? Moi je ne m'en fous pas justement, je tiens à toi, je tiendrais toujours à toi malgré tout ..." Tu l'aimerais toujours malgré tout ...

Lucas était sur les nerfs, et il avait la sensation que Marge faisait tout pour essayer de le faire péter les plombs. Il faut dire qu’il lui en fallait peu pour le faire craquer. Il était déjà à bout. Il avait fini par accepter de rester un peu plus longtemps, sans trop savoir pourquoi. Il s’était persuadé qu’il ne ressentait plus rien pour elle, qu’elle faisait partie du passé et qu’elle ne comptait plus pour lui. Mais l’état dans lequel il se mettait, pour si peu finalement, en disait long. Au fond de lui, il avait envie de la blesser comme elle l’avait blessé. Il avait envie de lui faire mal. Il fallait qu’il se calme, qu’il respire. « Lucas ... Non, ce n'est pas ça que je voulais entendre ... Je .. Je suis plus cette salope arrogante que j'étais y a deux ans, j'en ai rien à faire que tu n'ai pas de boulot, je te demande comment toi tu vas ... Qu'est ce qui a changé chez toi, pas ce que tu as fait dans ta vie, je ne suis plus vraiment celle qui peut te juger la dessus ... Je suis fatiguée de juger les gens Lucas ... » Il passa les mains sur son visage et ferma les yeux un instant, essayant d’avoir les idées claires et de reprendre ses esprits. Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir répondre à ça ? Que tout allait bien, qu’il volait et dealait pour se faire d’argent ? Il n’avait jamais eu de gêne par rapport à ça, il avait toujours eu l’impression d’avoir raison. Et pourtant, le dire à voix haute devant Marge le gênait. Il n’avait pas envie de le lui dire. « Rien n’a vraiment changé dans ma vie » finit-il par répondre, limitant les détails. Dans un sens, il ne mentait pas. Il n’y avait pas vraiment eu de changements majeurs dans sa vie depuis le départ de Marge. « J’ai un appart’, c’est tout. Je comprends pas ce que tu attends de moi, Marge. Tu veux que je te dise quoi ? Que je te pardonne, qu’on oublie tout et qu’on recommence ? » Ce n’était pas ce qu’il voulait. Pas maintenant, pas demain. Un jour, peut-être. Mais à cet instant, la réponse était clairement négative pour lui. « Alors si tu t'en fous pourquoi tu es encore là ? Moi je ne m'en fous pas justement, je tiens à toi, je tiendrais toujours à toi malgré tout ... » Pourquoi est-ce qu’il était encore là… Bonne question. Il se le demandait, lui-aussi. Elle était tellement calme, tellement douce quand elle parlait. Il n’arrivait pas à rester agressif envers elle. « Je sais pas, arrête. Arrête de me dire ça. » Il n’y croyait pas, et il n’avait pas envie de l’entendre. Il ne savait pas ce qu’elle voulait, ce qu’elle attendait de lui, pourquoi est-ce qu’elle lui disait tout ça.

Tu ne savais pas depuis combien de temps il était là, depuis combien de temps tu n'avais plus de clients à ta caisse .. Le temps passait au ralenti, toi tu étais dans ta bulle, tu ne voyais plus ce qui se passait autour de toi. Tu ne voyais plus que lui, c'était comme avant, avant quand il était tout ton monde ... Qu'est ce que tu pouvais être amoureuse de lui à l'époque, tes parents voyaient ça comme ce genre de simple amourette ou l'on pense que c'est le grand amour pour finalement se trouver un amour encore plus grand au bout d'une semaine. Ca n'a pas été comme ça pour vous deux, tu as essayé de retrouver ce que tu ressentais pour lui, à New York, tu n'as jamais trouvé quelque chose d'aussi puissant ... Tu l'aimais toujours, car ce que tu avais ressenti pour lui était tellement fort que ça n'a jamais pu s'estomper totalement, c'était comme ça tu étais et tu resteras toujours irrémédiablement attiré par lui, tel un aimant. « Rien n’a vraiment changé dans ma vie » Peut être que lui aussi finalement était resté comme un paumé sur la case départ, au fond de toi, tu aurais aimé lui dire que tu avais réussi, que tu avais fait quelque chose de ta vie, que tu étais devenue une adulte, que cette escapade de deux ans n'a pas été faite pour rien mais tu avais regressé, tu étais encore moins adulte que quand tu l'as laissé ici à Maggie Valley ... "Tu as rencontré quelqu'un ?" C'était sorti tout seul, cette phrase qui te restait aux commissures depuis le début de la conversation, question dont tu avais besoin de savoir une réponse, savoir si lui avait tourné la page ... « J’ai un appart’, c’est tout. Je comprends pas ce que tu attends de moi, Marge. Tu veux que je te dise quoi ? Que je te pardonne, qu’on oublie tout et qu’on recommence ? » Recommencer, est ce que tu aimerais ça, surement oui mais est ce que l'on peut recoller les morceaux d'un vase aussi magnifique qui a été brisé en des milliers de petits morceaux ? Ce ne sera jamais aussi parfait, jamais aussi magique même si vous vous redonnez une chance, ça ne sera jamais comme avant, tu le savais, et c'était de ta faute ... "Je vais prendre un appartement aussi, d'ici peu ... Pour l'instant j'ai repris ma chambre, chez mes parents ... Je ne sais pas ... Je ne sais pas ce que je veux, on ne peut pas recommencer, pas maintenant, pas après tout ce que je t'ai fais, je sais même pas si je mérite que tu me pardonnes ... Je t'ai fais tant de mal" Pour toi c'était sans issu, il ne reviendrait jamais vers toi, tu le connaissais, tu savais la haine qu'il ressentait pour toi, haine débordante sûrement ...Tu voyais à quel point il était tourmenté, comme toi, tu savais que lui aussi, il avait tenu à toi, tellement tenu à votre couple que ça lui faisait encore mal "Tu sais très bien ce que je ressens et je pense que c'est pareil de ton coté ... Je ne dis pas que tu m'aimes encore, mais je suis sûre que tu tiens à moi ... J'en suis certaine Lucas, c'est pour ça que tu n'es pas parti directement, tu avais besoin de me parler comme j'avais besoin de te parler ..." Tu aurais voulu le prendre dans tes bras, lui demander de t'aider à sortir du gouffre ou tu as réussi à te fourrer, tu avais besoin de lui, énormement.

« Tu as rencontré quelqu'un ? » Cette question le perturba un peu. Il n’avait même pas pensé pendant une seconde qu’elle puisse, de son côté, être en couple avec quelqu’un d’autre. Il ne s’était pas posé la question. Lui, il n’était pas en couple. Il ne l’avait plus jamais été depuis sa séparation avec Marge. Lucas hésita un instant avant de répondre. Il pensa à Biddie, avant de secouer la tête. Elle était juste une amie. Enfin, elle était ce qui rapprochait d’une amie. Ses sentiments à son égard n’étaient pas tout à fait clairs, mais avec Marge devant lui Biddie ne semblait plus qu’être un vague souvenir pour Lucas. Il ne pouvait pas penser à elle, il avait déjà suffisamment du mal à penser clairement sans que la jeune femme ne soit dans sa tête. « Non, personne. Et toi ? » Il avait bien eu quelques aventures, bien que pas nombreuse, mais celles-ci n’avaient jamais abouti à quelque chose de sérieux. « Je vais prendre un appartement aussi, d'ici peu ... Pour l'instant j'ai repris ma chambre, chez mes parents ... Je ne sais pas ... Je ne sais pas ce que je veux, on ne peut pas recommencer, pas maintenant, pas après tout ce que je t'ai fais, je sais même pas si je mérite que tu me pardonnes ... Je t'ai fais tant de mal » Ca l’agaçait d’entendre son discours, de l’entendre sans cesse se victimiser, se rabaisser au plus bas. Il détestait l’entendre geindre comme ça. Il ne comprenait pas pourquoi elle était comme ça, pourquoi est-ce que son attitude avant tant changée en deux ans. « J’m’en suis remis, ça va. » lâcha-t-il froidement. Elle semblait ne même plus avoir d’égo, plus d’estime d’elle-même. Il l’avait toujours connue avec un caractère plutôt fort. Il avait du mal à la reconnaître. « Tu sais très bien ce que je ressens et je pense que c'est pareil de ton coté ... Je ne dis pas que tu m'aimes encore, mais je suis sûre que tu tiens à moi ... J'en suis certaine Lucas, c'est pour ça que tu n'es pas parti directement, tu avais besoin de me parler comme j'avais besoin de te parler ... » Il avait envie de la contredire, de lui dire qu’elle se trompait, de la blesser. Mais elle semblait lire en lui comme dans un livre ouvert. « Ok, imaginons que t’ais raison. Et alors ? Je comprends pas ce que tu veux, Marge. Je t’ai pas attendue. J’vais bien, vraiment. » Il ne comprenait pas où elle voulait en venir avec cette conversation. Est-ce qu’elle attendait juste qu’il lui dise qu’il lui pardonnait ? Ou était-ce autre chose. Il ne savait pas, et il n’avait pas envie de jouer aux devinettes. Il soupira, avant de lui demander : « Tu finis dans combien de temps ? »

Tu ne pouvais pas imaginer ce qui se serait passé dans ta tête si il t'avait dis que, en effet, il n'était pas libre ... Tu n'aurais pu rien dire, il en avait le droit après tout, ça aurait été normal mais tu ne pouvais pas, le voir avec quelqu'un d'autre que toi. Pourtant, tu ne t'étais pas empêchée de voir ailleurs toi, à New York. Tu as couché, sans émotions, sans lendemain, tu es tombée enceinte, tu as déconné, avec tes excès, tu as perdu ton enfant ... Tout aurait été différent si tu l'avais eu, serais tu revenue quand même ? Aurais tu réussi à être maman ? Non certainement pas ... Tu l'aurais peut être mis en adoption, comme toi, tu l'aurais abandonné, sale lâche que tu étais ... Tu avais ressenti une pointe de soulagement quand tu as fais ta fausse couche, sale garce que tu étais. « Non, personne. Et toi ? » Soulagement, petit sourire non dissimulé, comme si toi tu pouvais avoir quelqu'un en ce moment, toi qui ne savait même pas te gérer toi même ... "Non ... Bien sûr que non ..." L'amour n'était vraiment pas l'une de tes priorités en ce moment, toi en pleine descente aux enfers. Toi, priant chaque soir que l'on t'apporte de quoi te soulager, de quoi oublier tout tes démons, toutes tes peurs ... Toi, ayant peur de tout. Tu en avais marre de te justifier, marre de ce que tu es devenue, cette victime, cette sale gamine que tu ne veux plus voir dans le miroir, tu as honte de toi, cherchant désespérément la Marge que tu étais, celle qui était fougueuse, qui aimait la vie, c'était cette Marge là qu'il aimait, comment pourrait il être encore attiré par le déchet que tu es devenu « J’m’en suis remis, ça va. » Froid, distant, c'était fini, tu le sentais te filer entre les doigts, tu n'avais plus la force de te battre, il n'en voulait pas de tes excuses, il n'avait jamais aimé les filles niaises, chiantes comme tu étais devenue, fallait que tu te réveilles Marge, fallait que tu retrouves cette étincelle enfouie, elle était là quelque part, juste bien cachée. « Ok, imaginons que t’ais raison. Et alors ? Je comprends pas ce que tu veux, Marge. Je t’ai pas attendue. J’vais bien, vraiment. » Il allait bien, laisse le tranquille Marge, c'est la meilleure des choses à faire, lache prise, arrête avec tes espoirs, pense à toi. "Je n'ai jamais dis que tu m'as attendu, je sais très bien que tu as refais ta vie et que mon retour ne va rien changer à tes affaires, je ne veux pas te récupérer, je n'essaie pas de te prendre par pitié, je ne veux rien vraiment ... Juste que l'on puisse peut être ... être amis c'est tout, j'avais besoin de cette discussion car on a eu une rupture dégueulasse alors qu'on a vécu une merveilleuse histoire mais ne pense pas que je fais tout ça pour te récupérer surtout pas" Tu bombais le torse, essayant de récupérer ce peu de fierté que tu avais encore, tu n'avais pas à te prosterner devant lui, tu n'avais pas à lui demander sa pitié, il ne savait pas ce que tu avais traversé, il ne pourrait pas comprendre. Ressaisis toi Marge, c'est la seule manière de peut être ne pas avoir de regret après cette discussion. Toi, tu n'allais pas bien, tu voulais que ça cesse, tu voulais revivre "Je finis dans trente minutes" Tu regardais ta montre, le temps passait plus vite depuis qu'il était là, tu n'aimais pas savoir que tu avais bientôt fini le boulot, d'habitude.

« Non ... Bien sûr que non ... » Marge répondait comme si ça coulait de source qu’elle n’ait rencontré personne. « Je n'ai jamais dis que tu m'as attendu, je sais très bien que tu as refais ta vie et que mon retour ne va rien changer à tes affaires, je ne veux pas te récupérer, je n'essaie pas de te prendre par pitié, je ne veux rien vraiment ... Juste que l'on puisse peut être ... être amis c'est tout, j'avais besoin de cette discussion car on a eu une rupture dégueulasse alors qu'on a vécu une merveilleuse histoire mais ne pense pas que je fais tout ça pour te récupérer surtout pas » Elle semblait s’être un peu ressaisie soudainement, elle avait l’air plus confiante, plus sûre de ce qu’elle avançait. Elle lui proposait de devenir amis, et Lucas trouva l’idée ridicule au début. Il crut d’abord qu’elle se moquait de lui, que c’était une blague. Puis il y pensa, il réfléchit à cette idée. Il ne savait pas si ce serait possible. Ca lui semblait voué à l’échec. Mais elle insistait, elle avait l’air d’y croire, elle. « Ok, j’te crois. » Il baissait les armes. Il avait compris qu’elle ne comptait pas lâcher l’affaire, que ça ne servait à rien d’argumenter. Il n’avait pas envie de se battre. Il n’en avait plus envie. Il avait envie de la croire, de croire qu’elle était sincère. Ca lui était difficile, ça le resterait sans doute encore longtemps, mais il désirait lui faire confiance pour cette fois, oublier sa rancœur et sa douleur pendant quelques minutes. Ils allaient se recroiser, c’était obligé. Alors il valait mieux qu’ils aient une entente pour le moins cordiale, qu’ils ne se jettent pas des regards noirs à chaque coin de rue. Ce serait mieux pour tout le monde. Malgré tout, il n’aimait pas la voir souffrir. Il n’osait pas lui dire qu’il préférait en rester là, qu’ils ne parviendraient pas à être amis et à agir comme si de rien n’était. Elle finirait par le comprendre d’elle-même, avec le temps pensa-t-il. « T’es sûre que ça va ? » Il se posait la question depuis quelques minutes maintenant. Si aux premiers abords elle n’avait pas l’air très différente, plus il discutait avec elle plus il la trouvait un peu bizarre. Elle avait eu l’air de dire que tout ne s’était pas passé comme prévu à New-York, mais il était loin d’imaginer l’envers du décor. Elle était revenue, maintenant. Depuis deux mois. Alors il ne comprenait pas pourquoi elle semblait encore si touchée par son séjour dans la grande pomme.« Je finis dans trente minutes » Il ne savait même pas trop pourquoi il lui avait posé la question. Sans doute pour dire de ne pas laisser le silence s’installer entre eux, pour faire la conversation. Et puis peut-être pour savoir combien de temps il leur restait.

Le temps passait, vite, trop vite, dans une dizaine de minutes, tu lui dirais au revoir et tu savais que même si vous aviez tout mis à plat, se retrouver de nouveau comme ça à deux, ça n'arriverait pas ... Vous ne seriez plus que des connaissances, ayant été proches dans un passage de votre vie. Tu seras obligée de continuer en le regardant évoluer dans un monde ou tu n'as pas à ta place, tu n'auras plus jamais ta place surement. Il trouvera quelqu'un d'autre, il s'ouvrira à une autre, elle le fera rire, il l'aimera comme il a pu t'aimer et toi tu seras là, impuissante à essayer de faire pareil, essayer tout simplement. Tu devais continuer à vivre, ça ne sera pas toujours comme ça, la roue tourne que tu te disais, un jour tu serais de nouveau heureuse. « Ok, j’te crois. ». Une étape de fait, vous resterez en bon terme, c'est déjà ça, pas plus, pas moins, au moins vous pourriez peut être vous saluez si par mégarde vous vous croisez dans la rue. Tu n'avais jamais vraiment été amie avec lui, tu ne savais pas ce que ça faisait ... Vous deux, ça avait collé tout de suite, c'était comme une foutue évidence, c'était lui, ça restera toujours lui ... Il avait une manière de te regarder, de te taquiner, qu'il n'avait qu'avec toi, qu'est ce que tu pouvais en être fière, d'être l'élue, d'être celle qu'il avait choisi ... Il t'avait aidé à l'époque, il t'avait aidé à sortir du gouffre, il savait ce qu'on t'avait fait, il en avait souffert autant que toi, il te protégeait, il t'a toujours protéger, c'est peut être ça qui t'a manquer, à New York, tu n'avais plus de filet en dessous du fil lorsque tu tombais, il n'était plus là pour te relever. Tu ne savais plus te protéger toute seule, tu n'y étais jamais arrivée, toi la justicière lambda, celle qui espérait protéger, rendre justice aux gens, comment tu pourrais les protéger sale hypocrite, tu es qu'une gosse. « T’es sûre que ça va ? » Non ça n'allait pas, tu aurais aimé lui dire, lui dire tout ce que tu avais sur le coeur mais qu'est ce que tu pourrais lui sortir, de quelle manière lui dire que tu as tout perdu, que tu as commencé à te droguer, que tu n'as fais que de mauvais choix, que si tu avais été un peu moins débile tu serais sûrement maman aujourd'hui, d'un gosse sans père, l'une de tes nombreuses conquêtes ? Tu lui dirais que tu serais sûrement encore vautrée dans un canapé à New York avec Hannah dans la poudreuse si elle n'était pas morte, devant tes yeux car elle avait prit une dose de trop ? Que tu essaies de changer, de redevenir cette Marge respectable et aimée des gens ? Que tu vas à des réunions d'aide minable ou tu passes des heures à te faire chier ? Sûrement que tu aurais aimé lui dire tout ça, lui demander de t'aider car tu ne savais pas vraiment à qui demander d'autre ..."Je ne sais pas ... Non ça va pas ... Du tout même" tu aurais aimé lui dire tout ça au lieu de sentir ces larmes chaudes, dégueulasses couler le long de tes pommettes dures, t'es irrécupérable Marge ... "Je ne vais pas bien, j'ai vécu un enfer là bas et je ne sais pas quoi faire, je suis dans un foutu puits sans fond, je me noie et je sais plus comment remonter ..." Ferme ta gueule Marge, rentre chez toi, va pleurer dans ton coin, c'est mieux.

Lucas n’était pas très bavard. De nature, déjà, il était plutôt introverti et avait tendance à ne pas beaucoup parler, si ce n‘est pour dire des conneries. Il voyait bien que quelque chose clochait chez Marge, et avait attendu quelques minutes avant de lui poser à nouveau la question. D’abord parce qu’il n’avait pas envie de lui donner l’impression qu’il était toujours fou d’elle et inquiet pour sa personne, et puis parce qu’il avait pensé qu’elle répondrait tout simplement qu’il se faisait des idées, qu’elle allait bien. Après tout, elle n’avait a priori aucune raison d’aller mal. Il ne comprit donc pas lorsqu’il la vit craquer. Qu’est-ce qu’il avait dit de mal, encore ? Il pensait que c’était de sa faute, qu’il avait prononcé une parole de trop, quelque chose pour la blesser. Même s’il l’avait voulu et pensé très fort, il ne lui semblait pourtant pas avoir fait ou dit quoique ce soit de blessant. « Je ne sais pas ... Non ça va pas ... Du tout même » Merde. Il aurait du se taire. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de lui poser cette question ? Elle était là en train de pleurer devant lui, et il ne savait absolument pas quoi faire. « Je ne vais pas bien, j'ai vécu un enfer là bas et je ne sais pas quoi faire, je suis dans un foutu puits sans fond, je me noie et je sais plus comment remonter ... » Il regarda autour de lui, comme s’il espérait que quelqu’un viendrait la consoler à sa place. Ca lui faisait quelque chose, bien sûr, de la voir comme ça. Il hésita puis déposa le jeu sur la caisse et fit le tour du comptoir pour rejoindre Marge. Il se sentait terriblement mal à l’aise, tiraillé entre sa rancœur, sa colère et puis tout l’amour qu’il lui avait porté. « Pleure pas… » dit-il presque en murmurant. Il glissa sa main sur son bras, le caressant doucement de son pouce. « C’est ton stage ? Ca n’a pas été ? C’est pas grave ça, t’en referas un autre ou j’sais pas on s’en fout, t’as toujours eu de bonnes notes non ? » Il essayait de la consoler comme il pouvait, un peu maladroitement. Son regard se porta sur le bras de Marge, qu’il caressait toujours, jusqu’à ce qu’un détail attire son attention. Il agrippa son bras un peu brusquement et fronça les sourcils en voyant des traces qu’il ne connaissait que trop bien à présent. « C’est quoi ça ? » Il avait peur de comprendre. Il espérait qu’elle ait une autre explication que ce à quoi il pensait. La drogue.

Tu te voyais tomber dans un trou noir, tu essayais de t'aggriper à quelque chose mais rien ne pouvait arrêter ta chute, tu tombais, en hurlant, pensant que quelqu'un pourrait t'entendre mais personne pouvait ... Tu étais seule, dans le noir, hurlant à t'écorcher les poumons. Tes larmes coulaient encore, il penserait peut être que tu essayais de le prendre en pitié, que tu faisais de la comédie, tu en aurais été capable avant quand tu ressentais encore ce petit souffle de vie, ou tu aurais essayé par tout les moyens de le récupérer, car tu étais de celles qui étaient prête à tout, intrépide ... Tu aurais tellement aimé être encore cette fille là, vaut mieux être une salope qu'une grosse droguée dégueulasse dépressive ... Ton coeur fit un bond au contact, il te caressait le bras, plus doux, essayant de te consoler, tu frissonnais au toucher, tu avais toujours eu la chair de poule quand il te touchait, il s'en moquait avant, il rigolait d'absolument tout ce qui était bizarre chez toi, de tes poils anormalement redressé au monticule de mascara que tu pouvais mettre sur tes cils, le contraste était choquant, perturbant ... « Pleure pas… » C'était incontrolable, tout sortait, tout ce que tu avais accumulé depuis des jours, des semaines, il fallait que ça sorte avant que tu exploses, tu étais au boulot, première fois que tu t'en fichais du coté professionnel "Je suis désolée" Tu te frottais les yeux, essayant de sécher le torrent. « C’est ton stage ? Ca n’a pas été ? C’est pas grave ça, t’en referas un autre ou j’sais pas on s’en fout, t’as toujours eu de bonnes notes non ? » Qu'est ce que tu aurais préféré, que ce soit ton stage, que tu ai simplement foiré tes cours, tu aurais pu recommencer, tu aurais perdu ta fierté mais tu serais toujours toi même, tu n'aurais qu'a revenir et continuer ta routine, continuer tes cours et tu serais devenue une avocate exemplaire, l'échec est humain, tu t'en rendais compte de plus en plus, tu avais réussi ton stage mais au pris de ton âme, tu n'avais réussi que ça justement "Non ... Non mon stage a été parfait mais ... j'étais seule, j'ai pas fais confiance aux bonnes personnes, j'ai perdu toute ma dignité, j'ai perdu toutes mes valeurs, je ne suis plus rien ..." Tu n'étais qu'une merde et à ce moment là tu pensais à ta dose, à ta foutue dose, tu pensais à la douleur que tu avais dans la tête, à ton envie de te percer la chair, tout irait mieux si tu te perçais la chair. Tu te sentis tirée ... Il regardai ton avant bras, il regardait les marques, il savait ce que c'était, bien sûr qu'il le savait « C’est quoi ça ? » Toi qui avait toujours proné les méfaits de la drogue, tu étais bien cruche en ce moment même "Je ... Je ..." Non, tu pouvais pas le regarder dans les yeux "Je me drogue ... coke. J'ai commencé à en prendre là bas, on m'avait dit que ça allait m'aider à me sentir moins triste, j'y ai cru, je me suis rendue compte que quand ma meilleure amie est morte ... overdose, c'est pour ça que je suis revenue, je voulais pas finir comme ça" Tu avais tellement honte, de petites taches sur ton haut clair, il ne voudrait plus jamais te voir, tu le comprendrais ... Qui voudrait rester avec toi ...

« Je suis désolée » dit-elle en se frottant les yeux pour essuyer les larmes qui menaçaient de couler. Lucas l’observait, impuissant. Il aurait aimé pouvoir la prendre dans ses bras, la serrer contre lui pour la protéger de ce qui semblait tant l’affecter. Mais il ne pouvait pas. « Non ... Non mon stage a été parfait mais ... j'étais seule, j'ai pas fais confiance aux bonnes personnes, j'ai perdu toute ma dignité, j'ai perdu toutes mes valeurs, je ne suis plus rien ... » Avant de voir cette scène se réaliser devant ses yeux, il aurait sans doute pensé qu’il lui répondrait que c’était bien fait pour elle, que la roue avait tourné. Mais là, maintenant, il ne s’en sentait pas capable. A vrai dire, il se sentait mal pour elle. Quand il l’avait rencontrée, il l’avait trouvée tellement forte, tellement belle. Tellement digne dans sa souffrance, justement. Et là elle lui annonçait qu’elle n’était plus rien de tout ça, qu’elle était plus bas que terre. « Mais non, dis pas ça… Tu vas devenir une avocate brillante, tu vas aider plein de gens, tu vas bien gagner ta vie. Tu t’en fous de ces gens à New-York maintenant, non ? T’as pas besoin d’eux. T’as jamais eu besoin de personne » Il disait cela pour lui remonter le moral, même si ses derniers mots pouvaient sonner un peu comme un reproche. Ce n’en était pas un. Pas entièrement, du moins. Il aurait aimé pouvoir être comme elle, être plus indépendant, se foutre du regard des autres, vivre pour soi. Il faisait pourtant bien ce qu’il voulait, il était on ne peut plus libre mais Lucas avait cesse ce besoin de reconnaissance. Puis il remarqua les traces sur le bras de Marge, et il se sentit faiblir à nouveau. Un nouveau choc. « Je ... Je ... » Il espérait se tromper. Pour la première fois, il espérait avoir tort. « Je me drogue ... coke. J'ai commencé à en prendre là bas, on m'avait dit que ça allait m'aider à me sentir moins triste, j'y ai cru, je me suis rendue compte que quand ma meilleure amie est morte ... overdose, c'est pour ça que je suis revenue, je voulais pas finir comme ça » Lucas serra les dents, sentant son cœur se briser un peu plus à chacun de ses mots. Le comble, pour un dealer. Peut-être était-ce le karma, le bon Dieu qui le punissait pour ses méfaits. Il lâcha son bras et recula un peu, comme dégoûté par ce qu’elle venait de lui dire. « Putain Marge qu’est-ce que t’as foutu ? T’es devenue complètement conne ou quoi ? ! » Il avait un peu élevé la voix. Tant pis pour les clients, tant pis pour le regard des gens. Les paroles de Marge tournaient en boucle dans sa tête et il ne pouvait s’empêcher de l’imaginer elle à la place de cette fille, sa meilleure amie, dont elle parlait. A la place des clients qu’il fournissait de temps à autres. Il lui en voulait. Après avoir gâché leur relation, il avait fallu qu’elle gâche sa vie, qu’elle mette en péril cet avenir pour lequel elle s’était tant battue. « Donc attends si je comprends bien t’es partie pour devenir avocate et au final tu reviens junkie ? » Il aurait préféré qu’elle réussisse sans lui, qu’il puisse voir à quel point il avait été un boulet pour elle. Qu’il comprenne pourquoi elle était partie. Mais là, il ne comprenait plus. Elle avait l’air de se rendre compte de son erreur, c’était déjà ça. « Tu veux arrêter ou alors tu comptes sur moi pour te fournir ? » lâcha-t-il comme un petit con, un sourire mauvais aux lèvres. Il lui en voulait tellement.

Tout aurait pu être différent si tu n'étais pas partie, tu aimerais repartir, voyager dans le temps, foutre une claque à cette Marge partant pour un avenir qu'elle espérait bon, regardant les gens avec hautain comme si tu étais supérieure, tu croyais tellement en toi Marge, tu t'étais brûlée les ailes à force de te croire invincible. Tu aurais aimé pouvoir arrêter cette Marge là, l'empêcher de partir, lui faire ouvrir les yeux pour qu'elle comprenne tout ce qu'elle laissait derrière elle en partant. Tu aurais tellement aimé ne pas avoir tout ces regrets, ne pas te sentir bouffer par le remords. Tu avais posé une vraie bombe il y a deux ans, blessant tout le monde, toi avec, kamikaze. « Mais non, dis pas ça… Tu vas devenir une avocate brillante, tu vas aider plein de gens, tu vas bien gagner ta vie. Tu t’en fous de ces gens à New-York maintenant, non ? T’as pas besoin d’eux. T’as jamais eu besoin de personne » Jamais besoin de personne, c'est vrai ... Tu étais cette fille indépendante qui criait haut et fort que c'est mieux de tout faire par soi même, tu n'étais même plus capable de lacer tes chaussures toute seule désormais ... Tu étais une vraie gosse, ne sachant que chialer sur ton triste sort ... "J'ai besoin d'aide en ce moment, je vais être avocate, du fric j'en aurais sûrement, enfin si j'arrive jusqu'au bout, je ne vis plus que pour mon boulot ... Ça m'épuise à la longue" Te plaindre, encore te plaindre ... Réveille toi, bouge toi le cul Marge, montre lui que tu es encore cette fille capable de grandes choses, tu en as vécu des merde Marge, tu as toujours su tout surmonté, tu surmonteras ça aussi, tu n'as pas le choix.

Mouvement de recul, teint blanc, choc par cette découverte. Tu aurais préféré lui dire toi même que laisser tes foutues marques le faire pour toi, tu étais comme ce gosse ayant fait une bêtise, attendant avec peur la claque qui lui apprendrait la leçon, tu savais qu'il allait exploser, tu le connaissais ... Il ne te laisserait jamais te foutre en l'air sans gueuler un coup « Putain Marge qu’est-ce que t’as foutu ? T’es devenue complètement conne ou quoi ? ! » Conne, completement conne, tu aurais du faire preuve de maturité, rencontrer des gens sérieux à New York, tu aurais pu devenir une grande dame, celle que tu as toujours rêvé, tu n'étais néanmoins pas préparée à être là sans repaire, tu tremblais, peur, redescende. "Je sais, j'ai vraiment merdé ..." Il élevait la voix, tu savais, qu'il se mettrait en colère, tu préférais néanmoins, tu aurais été détruite si il en avait eu rien à foutre que tu te détruises. Tu étais détruite, fade, rien ne te retenait plus, tu avais perdu chaque petite parcelle de bonheur qui te donnait une raison de vivre « Donc attends si je comprends bien t’es partie pour devenir avocate et au final tu reviens junkie ? » Junkie ... Ce mot te répugnait à l'époque, à l'époque ou tu critiquais ces gens jouant avec leur santé pour un soupçon de plaisir, tu les haïssais .. "Je vais changer, je vais redevenir celle que j'étais avant, il ne me faut juste que un peu de temps ... J'ai eu dur la bas, sans mes parents, sans toi ... Personne était sympa avec moi, j'étais seule, je voulais t'envoyer des messages mais je n'étais pas ... Tu ne m'aurais pas répondu sûrement et ces gens sont venus vers moi, je ne me rendais pas compte des conséquences au départ ..." Çà sert à rien de te justifier, t'as merdé Marge, c'est tout. « Tu veux arrêter ou alors tu comptes sur moi pour te fournir ? » Sourire mauvais, hautain ... Tu vins devant lui, le regardant dans les yeux, arrête de te rabaisser Marge bats toi ... "Je fais de mon mieux pour aller mieux, pour arrêter, je suis dans un de ces groupes de soutien et j'ai beau critiquer, ça m'aide, je fais tout pour m'en sortir, car au fond de moi, je suis toujours une battante et tu me connais suffisamment pour savoir que j'ai connu pire donc non je ne compte pas sur toi pour me fournir, mais si tu veux m'aider, là ça ne saura pas de refus" Tu y arriveras Marge, avec ou sans lui, ce n'est qu'une question de temps ...

« J'ai besoin d'aide en ce moment, je vais être avocate, du fric j'en aurais sûrement, enfin si j'arrive jusqu'au bout, je ne vis plus que pour mon boulot ... Ça m'épuise à la longue » Il avait l’impression qu’elle exagérait, qu’elle cherchait juste une excuse pour se plaindre. Il ne comprenait pas pourquoi elle se mettait dans un état pareil alors que visiblement, tout allait bien dans sa vie mis à part quelques embrouilles à New-York. Mais elle était revenue maintenant, alors pourquoi en faisait-elle une affaire d’état ? Il ne tarda pas à comprendre, lorsqu’il vit les traces sur son bras. Il avait de suite imaginé le pire, en espérant avoir tort. Mais non. Elle avait bel et bien confirmé ; elle se droguait. Comme une idiote. Comment était-elle tombée si bas ? Nul ne le savait. Encore moins Lucas, qui était resté loin d’elle pendant tant de temps. C’était quand même le comble : elle l’avait quitté en insinuant qu’il n’était pas assez bien pour elle, et deux ans plus tard elle avait un genou à terre. Alors ç’avait été plus fort que lui, il avait senti la colère faire bouillonner son sang. Il avait l’impression qu’elle le faisait exprès, qu’elle avait juste envie de le foutre en rogne. De jouer avec lui. « Je sais, j'ai vraiment merdé ... » Non, sans blague ? Il n’avait même pas envie de l’écouter, d’entendre ses excuses à la con, ni de voir ses larmes de crocodiles. « Je vais changer, je vais redevenir celle que j'étais avant, il ne me faut juste que un peu de temps ... J'ai eu dur la bas, sans mes parents, sans toi ... Personne était sympa avec moi, j'étais seule, je voulais t'envoyer des messages mais je n'étais pas ... Tu ne m'aurais pas répondu sûrement et ces gens sont venus vers moi, je ne me rendais pas compte des conséquences au départ ... » Lucas tentait de se calmer, de ne pas prendre ce qu’elle lui disait trop à cœur. Il était censé n’en avoir plus rien à foutre de sa vie à elle, de ses conneries, de ses histoires. Et pourtant il réagissait comme s’ils étaient toujours ensemble. « Mais tu croyais quoi ? Que t’allais tout plaquer et qu’en claquant des doigts t’allais te construire une nouvelle vie avec plein de potes et plein de mecs à tes pieds ? Et arrête avec tes excuses à deux balles, si tous les gens un peu seuls plongeaient dans la drogue il resterait plus grand monde ! Tu vis vraiment sur un autre planète » C’est ce qui l’avait attiré au départ. Il l’avait trouvée différente des autres filles, différente d’une bonne façon. Et aujourd’hui il la retrouvait et avait l’impression d’être face à une inconnue. « Je fais de mon mieux pour aller mieux, pour arrêter, je suis dans un de ces groupes de soutien et j'ai beau critiquer, ça m'aide, je fais tout pour m'en sortir, car au fond de moi, je suis toujours une battante et tu me connais suffisamment pour savoir que j'ai connu pire donc non je ne compte pas sur toi pour me fournir, mais si tu veux m'aider, là ça ne saura pas de refus » Elle voulait s’en sortir. C’était déjà ça. Elle en était capable, il le savait mais elle semblait tellement différente de celle qu’il l’avait connu. « T’aider ? J’saurais pas t’aider moi » Puis il avait envie de lui dire qu’il ne lui devait rien. Qu’est-ce qu’il était censé faire, pour l’aider ? Lui envoyer des textos tous les quarts d’heure pour lui rappeler de ne pas craquer ?

Tu aurais aimé hurlé, ne pas être capitonnée avec ce foutu mur te brisant la poitrine, empêchant tout son de sortir de ta bouche, tu aimerais tellement hurler, te rebeller comme tu aimais le faire avant, être encore cette fille qui ose tout car elle se sent capable de faire tout ce qu'elle veut, tu n'es même plus capable de vivre seule ... Plus capable de rien, honte te montant dans la cage thoracique, créant une boule, boule te faisant mal, retenant les sanglots ... Tu avais trop pleuré, trop pleurer sans rien faire, plaignant le sort, le karma comme si tu n'y étais pour rien, comme si tout n'était pas de ta faute. Tu es une adulte Marge, tu aurais pu tout simplement refuser, on à toujours le choix, suffit de prendre le bon, tu ne le faisais plus depuis bien longtemps, faire le bon choix ...

Le bon choix aurait été de rester, le bon choix aurait été de ne pas tendre le bras pour sentir cette aiguille dans le creux de ta chair, le bon choix ça aurait été d'appeler l'ambulance cinq minutes plus tôt au lieu de penser aux problèmes que ça pourrait te causer à toi d'être complètement droguée, le bon choix ça aurait été de le laisser partir, là, de le laisser vivre sa vie, sans toi, c'était tellement mieux, tu ne voulais pas être un boulet énorme à sa cheville. « Mais tu croyais quoi ? Que t’allais tout plaquer et qu’en claquant des doigts t’allais te construire une nouvelle vie avec plein de potes et plein de mecs à tes pieds ? Et arrête avec tes excuses à deux balles, si tous les gens un peu seuls plongeaient dans la drogue il resterait plus grand monde ! Tu vis vraiment sur un autre planète » Tu aurais préféré ouais, tu aurais aimé que ce soit facile, que tout te tombe dans la main, que tu retrouves tes amies, qu'elles soient heureuse que tu sois rentrée, sans te sourire, avec gêne se disant que finalement celle qui avait mal tourné c'était toi. Tu aurais aimé que ce soit facile avec ta famille, qu'ils t'acceptent sans te forcer à faire des réunions de famille, sans te forcer à penser à ton avenir, sans cette famille parfaite ou tu ne retrouves plus ta place ... Tu avais pensé en effet que ce serait facile en revenant mais avec Lucas, tu t'étais imaginé bien pire, tu savais que tu ne le récupérerais pas, jamais, il n'était plus pour toi, fais toi une raison ... "Je savais très bien que ça ne serait pas comme ça, je suis peut être plus la même que quand on s'est quitté mais je ne suis pas naïve, je ne pense pas que je vais tout avoir sur un plateau d'argent. Je te donne des excuses pour pouvoir me regarder dans une glace car je sais que je t'ai fais du mal, tu aurais préféré que je ne t'en fasse pas peut être ? Que je t'ignore comme si il ne s'était rien passé ? J'ai déconné, comme tout le monde, je suis humaine, j'ai déconné je répare mes erreurs, j'ai déconné avec toi je te parle pour essayer d'arranger les choses, j'ai déconné avec la drogue, t'inquiète pas que je vais tout faire pour m'en sortir, absolument tout." Étincelle dans les yeux, étincelle te faisant battre le coeur, te faisant revivre, orgasme intellectuel. La défense, un des seuls moments ou l'adrénaline prend le dessus, seul moment ou tu t'imposes, imposant tes choix, tes opinions, comme au barreau, couleur reprise au fond des pommettes ... Tu étais près de lui, aussi près que tu pouvais sentir son odeur, odeur n'ayant pas changer, odeur dont tu as eu du mal à te défaire dans les draps sentant le neuf de la grande pomme, odeur te berçant dans tes oreillers, toi étant encore une gamine à l'époque, gamine pensant que tout irait bien, gamine te voyant avec lui pour toujours ... Toujours, mot trop souvent utilisé chez les jeunes de cette époque, peur de l'avenir, besoin de bases solides pour se reposer avant de faire le prochain pas... « T’aider ? J’saurais pas t’aider moi » Non bien sûr que non, il ne lui devait rien, il n'avait pas à se casser la tête avec toi, ferme ta gueule Marge, écrase un peu "Juste ... en essayant ... Je sais pas moi, de se revoir ? Essayer de rester en bons termes et puis je sais pas, tu es un des seuls à vraiment me connaitre, je ne fais pas confiance à grand monde ici, tu es l'un des seuls" Pas de compliment, vérité simple, tu lui faisais une confiance aveugle.

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« Je savais très bien que ça ne serait pas comme ça, je suis peut être plus la même que quand on s'est quitté mais je ne suis pas naïve, je ne pense pas que je vais tout avoir sur un plateau d'argent. Je te donne des excuses pour pouvoir me regarder dans une glace car je sais que je t'ai fais du mal, tu aurais préféré que je ne t'en fasse pas peut être ? Que je t'ignore comme si il ne s'était rien passé ? J'ai déconné, comme tout le monde, je suis humaine, j'ai déconné je répare mes erreurs, j'ai déconné avec toi je te parle pour essayer d'arranger les choses, j'ai déconné avec la drogue, t'inquiète pas que je vais tout faire pour m'en sortir, absolument tout » Elle savait manier les mots, elle savait quoi dire pour le toucher, quoi dire pour qu’il l’écoute. Ca le foutait en rogne qu’elle revienne ici, dans sa ville, la bouche en cœur. Ca l’enrageait encore plus d’apprendre ce qu’elle avait réellement fait à New-York et la femme qu’elle était devenue. Malgré la rancœur qu’il nourrissait à son égard, il aurait nettement préféré qu’elle devienne ce dont elle avait toujours rêvé. « Juste ... en essayant ... Je sais pas moi, de se revoir ? Essayer de rester en bons termes et puis je sais pas, tu es un des seuls à vraiment me connaitre, je ne fais pas confiance à grand monde ici, tu es l'un des seuls » Il ne savait pas s’il en était capable. S’il pouvait la revoir, passer du temps avec elle et faire comme si jamais rien ne s’était passé. Comme s’ils étaient juste deux vieux amis qui se retrouvaient, comme s’ils ne s’étaient jamais déchirés. « Je sais pas… » Il posa les yeux sur elle, croisant son regard. Et il sut qu’il ne parviendrait pas à lui dire non. Il avait tellement envie de la serrer contre lui, de sentir à nouveau la chaleur de son corps contre le sien. « Si tu penses que ça pourrait t’aider… J’vais pas te dire non. » Il savait qu’il l’aurait regretté, s’il avait refusé et s’il l’avait envoyée balader. Il s’en serait voulu, c’était inévitable. Elle allait sans doute couper à nouveau les liens avec lui une fois qu’elle s’en serait sortie, mais tant pis. Cette fois, il y était préparé. Il connaissait la douleur, il connaissait son absence. Il avait appris à vivre avec. « Ca va chez tes parents ?J’veux dire, ils sont là pour toi ? » Malgré lui, il ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Elle avait l’air d’avoir vraiment envie de se battre et de s’en sortir, alors il voulait lui-aussi qu’elle y parvienne. Il valait mieux que ses parents soient compréhensifs et l’aident, étant donné qu’elle était retournée vivre avec eux.

Pendant un instant, tout était comme avant. Quand vous étiez des gosses innocents, ces gosses s'enlaçant, se regardant dans les yeux en imaginant leur vie à deux, elle aurait été magnifique. Pendant un instant, en le regardant là, tu as eu l'impression que c'était pareil, qu'il allait poser ses bras sur tes épaules et t'embrasser sur le nez en te disant que tu étais belle avant de t'ébouriffer les cheveux. Pendant un instant seulement ... Tu aurais aimé faire ce pas, ce pas qui manquait, lui dire à quel point tu pouvais encore l'aimer. Ce pas que tu ne franchiras pas, jamais. Restant là comme une plante s'enracinant, essayant d'attraper ces foutues étincelles te faisant battre le cœur, choc électrique qui te réveillerais vraiment, pour de bon. « Je sais pas… » Bulles d'air en suspens, toi la bouche ouverte essayant de les gober, essayant de respirer, tout en suspens, toi à ses lèvres .. Il aurait raison de ne pas accepter, il n'avait plus besoin de toi, il ne te devait rien, il aurait raison de te laisser dans ta merde, tu n'as pas pensé à lui quand tu es partie, il n'a pas à penser à toi, toi sale poupée de chiffon, incapable de te relever seule, peur de te relever seule, peur de réussir et de ne pouvoir fêter ça avec personne ... « Si tu penses que ça pourrait t’aider… J’vais pas te dire non. » Boule d'air rentrant enfin dans ta gorge, te libérant de ton apesanteur, grand sourire relevant tes pommettes, rouge remontant aux joues. "Merci, si tu veux, on pourrait aller boire un verre ? Ou je sais pas y a peut être un film au cinéma qui pourrait être bien ? On pourrait y aller à deux ... comme avant" Comme avant, comme si tout n'avait pas changé, tout avait changé, rien serait comme avant, fin de ta phrase descendant dans le fond de ta gorge. Il avait peut être une autre fille, un autre rencard, il t'aiderait peut être, sûrement, c'est Lucas ... Tes doigts étaient attirés vers les siens, besoin de le toucher, de ressentir ce que tu ressentais, inconvenant, minable, Marge. « Ca va chez tes parents ?J’veux dire, ils sont là pour toi ? » Tu souriais, tes parents. Les meilleurs parents du monde, essayant de t'aider pour soulager leur bonne conscience ..."Ho tu sais comment ils sont, ils sont là pour moi bien sûr, ils font très attention à moi mais bon je vois bien que je suis un boulet, ça se voit dans leur regard, qu'ils ont honte de moi, je peux comprendre ... Même mon frère et ma sœur ont honte. Je pense qu'ils se sentent coupable comme si ils avaient fait une erreur .. Mais bon ça va au moins ils sont là pour moi" Tu n'avais pas à te plaindre. Tes parents étaient là, les deux, peu avaient cette chance ... "Tu fais quelque chose maintenant ? Enfin si tu veux on va manger un morceau ensemble ?" Bizarre sûrement, trop bizarre, occupée à marcher entre les morceaux de verre.

« Merci, si tu veux, on pourrait aller boire un verre ? Ou je sais pas y a peut être un film au cinéma qui pourrait être bien ? On pourrait y aller à deux ... comme avant » Comme avant. Malgré ce qu’elle disait, elle semblait vouloir y revenir à ce « comme avant ». Cette époque qui avait un jour cessé de lui plaire. Il en avait dit des horreurs sur elle lorsqu’elle était partie. Il avait juré que plus jamais il ne se ferait avoir, qu’elle pouvait crever et que ça ne lui ferait rien du tout. Et là, devant elle deux ans plus tard, son attitude était toute autre. Il ne parvenait pas à lui tenir tête, à lui envoyer à la figure toutes les insultes qu’il avait si longtemps proféré en son absence. Elle, cette fille qui avait tout eu et qui avait tout jeté. « Euhm ouais, si tu veux » Il avait peut-être envie de s’y essayer, de regoûter à ce « comme avant » même si cette époque était à jamais révolue. Il avait peut-être envie l’espace d’un soir, le temps de quelques heures oublier tout ce qui les avaient séparés. « Ho tu sais comment ils sont, ils sont là pour moi bien sûr, ils font très attention à moi mais bon je vois bien que je suis un boulet, ça se voit dans leur regard, qu'ils ont honte de moi, je peux comprendre ... Même mon frère et ma sœur ont honte. Je pense qu'ils se sentent coupable comme si ils avaient fait une erreur .. Mais bon ça va au moins ils sont là pour moi » Il hocha la tête en signe de compréhension. Les Carpenter avaient toujours été des gens bien, il n’en doutait pas. Il ne savait pas trop ce que ça faisait d’avoir des parents présents et attentionnés, mais il imaginait que cela devait être bien. Quoique. Ca n’avait pas empêché Marge de jouer avec sa vie. Certains avaient sans doute parié qu’elle finirait par mal tourner en restant avec lui, et c’était finalement en s’en séparant qu’elle était tombée au plus bas. « Mais nan ils ont pas honte, ils sont sûrement tristes et inquiets pour toi c’est tout. » Elle ne savait pas ce que c’était, elle, d’être une honte. C’est ce qu’il se disait, du moins. « Tu fais quelque chose maintenant ? Enfin si tu veux on va manger un morceau ensemble ? » Pour l’aider. C’était ce qu’il se répétait. La revoir, faire comme avant, tout ça… C’était pour l’aider. Rien de plus. Il ne comprenait pas trop comment lui pouvait bien l’aider mais elle semblait y croire alors bon. « Non, j’ai rien de prévu. On peut faire ce que tu veux. » lui répondit-il sans grand enthousiasme. Ca le mettait un peu mal à l’aise de sortir avec elle comme si de rien n’était. La situation était étrange, il était partagé entre tellement de sentiments contradictoires, il ne savait pas où donner de la tête. Mais c’était Marge. Il ne pouvait pas lutter. Au fond de lui il avait toujours cette envie de la voir heureuse, de l’entendre rire, de voir cette lumière dans ses yeux.